Il y a cinquante ans de cela, j'avais juste quinze ans. Après l'école, j'allais labourer. Là j'étais pour les betteraves. J'étais jamais à rien faire. Même le dimanche, on s'occupait des chevaux. Une après-midi, je m'en souviens, il était quatorze heures, c'est devenu noir. C'est tombé pendant deux heures.J'ai essayé de relever la charrue, qui s'était embourbée. Je me souviens, on n'avait pas de voiture, j'allais à pétroleuse par tous les temps. On le sentait, on se préparait pour, on avait toujours de quoi. Aujourd'hui, tout le monde a des voitures, on ne sent plus le temps. Ouais, en francs, ouais.
Avant, quand on voulait parler, on allait se voir, on discutait, aujourd'hui, il y a les téléphones portables. Le mien, il y a rien dedans, il est cassé, je paie une assurance d'un an, c'est des plateformes. On ne s'en sort plus. Une fois j'ai appelé, je me suis retrouvé à Cherbourg. Je paie une assurance, mais j'ai pas de téléphone.
Il est seize heures, il boit un rouge et l'autre une pression. Il y en a déjà un de payé. L'un parle haut, emplie le troquet, l'autre sourde, répond par mono-syllabes. Frais rasé, la coupe courte, poivrée. Le menton est bas, le front dans la connivence. Dessus les verres plats, l’œil pétille. Ces dames ont le petit jaune et la teinture vive.
Un à un, les cheveux gris passent le seuil, des yeux cherchent une place, un ami s'installant pas trop loin de l'autre, au cas où. Au cas où elle sera à être payée.
La solitude, même colorée, est un moment qu'on repousse le plus tard possible dans la journée.
La solitude n’est pas portable, on naît solitude
RépondreSupprimerrien ne l’accompagne, elle est compagne
elle ne s’explique pas, elle ne se partage pas
elle fait solitude, elle te remplit si tu l’écoutes
elle ne passe pas le temps, elle est plus que le temps
passée et à passer
vieille compagne des vieux garçons, des vieilles filles
RépondreSupprimernouvelle compagne des vieux messieurs, des veuves naphtalinisées
au troquet, l'on passe le temps, l'on discute, l'on joue
une scène qui fait oublier juste un instant qu'en rentrant au soir
l'on sera en compagnie seule, à s'emplir encore de solitude
qui résonnera si fort en soi, écho surpassant le son du poste de télévision.
La solitude n’a que faire de la compagnie
RépondreSupprimerPas besoin d’être vieille fille pour lui tenir la main
En soi, elle est du début à la fin
En foule dense comme en veillée seule
Regard tourné vers l’horizon intérieur
coude au comptoir du troquet
ou talon en haut de dune
sûr, en l’occurrence, il s'agissait d'abord d'une simple étude d'un-dit troquet, mais cela s'étend facilement, largement
RépondreSupprimersûr aussi, qu'en n'importe quelle compagnie, l'on est toujours seul avec soi-même, seule la conscience que l'on en a diffère