jeudi 28 juin 2012

De la chute



même la guerre
sous le sable qui
s'écoule recule
s'écroule

                           il y avait le marcheur                         là
pas à pas                sur la grève              peu à peu
ici                        il y a le marcheur qui                            
déroule

il reste la nuit
la nuit qui couche
les yeux sur la mer
roule

il y a le sable
s'écoule
la houle


et nous


mercredi 20 juin 2012

Calibrage : Du rythme



Il y a juste six mois, s'échouait sur un coin de toile une poussière de vent, un embrun de marée. Un grain de sable ci-usé. Je n'y pensais pas rester si longtemps. Six mois, c'est déjà bien. Bien plus de mots, plus ou moins heureux sont venus faire naufrage sur les récifs de la main, faire escale provisoire sous les yeux, que ce qui n'était prévu. D'autres viendront encore, seulement, comme un long-courrier qu'il faut mettre en cale sèche, les cales s'ancrent aussi à l'esprit et à la paume. Je vais donc rompre le flot quotidien. En fin de compte, rien n'est moins régulier qu'une marée : elle revient tout autant qu'elle se retire, invariablement, mais jamais sous la même heure et la même humeur.
Cela arrivera ainsi au gré du vent.

Le fil de lecteur/lecture s'est progressivement étiolé, jusqu'à être si mince qu'on en arrive à se demander pourquoi certains s'accrochent, s'entêtent à passer par ce comptoir pirate. Dans tous les cas, je les en remercie, j'espère qu'ils sont repartis avec quelques épices à leur goût. J'espère aussi qu'ils penseront encore à trainer les guêtres de leur barque jusque là à l'avenir, et d'autres aussi, pourquoi pas.

Pas un retrait, une marée basse, les courants fluctuent. A demain, à tantôt, il y a toujours un goéland pour annoncer la terre au marin.


Du déploiement



Au petit matin, comme la lumière de l'est,
le voilier déploie ses yeux et ses voiles larges,
pour faire de la terre des hommes son fantôme.
Délaissant les fers, il s'en va croiser au large
le spectre des récifs et des naufrage, proue en teste.



De l'obscurité des paliers



Il y a toujours un palier, dont on ne sait
si les marches montent ou descendent,
si les marches mènent à l'ombre ou la lumière,
si elles marchent au dedans ou au dehors,
tout ce qu'on sait,
c'est qu'il va falloir les emprunter.
Quant à les rendre...

Du poil au temps

- Lorsqu'un chevelu cause avec un barbu, ils ne racontent pas grand chose. Surtout, ils toisent le temps. -

mardi 19 juin 2012

Des éclairs



l'émail d'un sourire trace
les mailles digne d'un Thrace
cisaille à travers la crasse
s'émaille alors ou terrasse



Des pierres



- il y a tant de pierres à ajouter à l'édifice,
n'en négliger aucune -



lundi 18 juin 2012

Etirement domestique



     Ils ne comprennent pas. Parfois. Tout ce que tu as. Parfois. Tu l'as tellement fort. C'est toi qui lui appartient. Toi-même. Tu n'es pas à toi. Toi-même. Tu as du mal. Du mal. A comprendre ça. Ils ne comprennent pas. Parfois. Tu déconnectes, déconnes. Parfois. Tout ce que tu as. Le peu que tu as. Ce qui t'appartient. Toi-même. C'est toi-même. Ils ne comprennent pas. Il n'y a rien à prendre. Garde le croc au chaud. C'est inutile. Sers-t-en pour te dépouiller de ce qui gratte. Doucement. Sans donner à la curie. Ils ne comprennent pas. Ils ne luisent pas, eux. Ni de blanc, ni de noir. Ce n'est plus qu'une mastication. Ils ravalent. Ils ont la bouche cariée. Le mot avarié. Ils ne comprennent plus. Garde le croc. Il sait causer. A lui-même. Toi-même.


 

De la naissance des tableaux



       Ce matin, vois-tu, même la pisse des chiens se noie sous la pluie qui tombe. Même si les yeux sont loin, j'avais bien vu, bien compris. Je ne serai jamais si bon que toi, pour causer de ces choses-là. Ça n'empêche, j'y pense comme toi. Je ne vais pas servir des poncifs de brasserie et des piliers de comptoir, t'y as déjà assez goûté. Alors je te serre des deux oreilles, et je te rappelle, un jour, c'est toi qui m'as dit en tendant le doigt : « Contrairement à ce qu'on croit, ce n'est pas si dur que ça de peindre le ciel. On ne mélange pas que du blanc et du noir, c'est plein de couleurs. On fait des mélanges jusqu'à ce qu'on trouve la nuance qu'on veut. Là, vois-tu, j'y mettrai du rose, et du jaune, et une touche de vert... ».
     Alors vas-y, sors tes pinceaux, c'est un putain de tableau qui arrive là. Un qu'on dira « Putain, qu'est-ce que c'est beau ! ».



dimanche 17 juin 2012

De la cueillette : Des os sur la peau

Des os ou de la peau, il est parfois difficile de savoir qui de l'un ou de l'autre porte.

Des jours à fêter


nicotine, caféine
bave aux canines
rétines féminines
bobine enfantine
sont dans l'ordre
les toxines
de la médecine


samedi 16 juin 2012

De la cueillette : Des bouteilles à vider



L'on distille les non-dits
En bouteilles prohibées.


- de quoi être saouler sans boire un mot de ces paroles, ou d'autres -

vendredi 15 juin 2012

Calibrage : publication

publication ce jour dans la revue FPDV REVUE DIGITALE n° 28 : De la pandémie

[texte ci dessous]

De la pandémie





Une bactérie. Comme une bactérie.
Elle est viable et prolifique. Nécessaire à l'équilibre.
La survie.
Flore [intestinale] qui fouaille, filtre, fournit et fange.
Ces autres qui se multiplient, bruissent, envahissent.
Une bactérie. Comme une bactérie.
Multipliable et amniotique. Adversaire au calibre.
La vie sur.
Faune [microbienne] qui initie, imite, innove, vente.
Ces autres qui se contrarient, contristent, contredisent.
Un virus. Comme une hystérie.
Effroyable et cacophonique. Versé au dérèglement.
Vies versus.
Festin [microcosme] qui racle, bâcle, renâcle, débâcle.
Ces autres qui sont comme moi. Ces autres qui sont moi.


jeudi 14 juin 2012

De la poésie



À chaque révolution pensive, à chaque réaction de courant, il y a eu un type suspendu, il y a eu un groupe de types en marge pour dire : « La poésie, c'est ça ! ». Le poète monte aux nues, le poète se met à nu, le poète pète, le poète pue. Dans sa tour d'ivoire, il montre à voir !

La poésie, c'est libre.

Pour écrire, pour écrire, le type doit concourir, rentrer dans le cadre. Trente lignes, dix pages. Thématique ou champs libre, thème à tiques, quoi. Des mathématiques. Il doit soumettre aux revues. Ligne éditoriale, vingt lignes, cinq pages. Thématique ou champs libre, thème à tiques, quoi. Des mathématiques. Si vous n'avez pas de réponse dans les six mois, ça ne nous intéresse pas. Sachez tout de même que la ligne éditoriale est complète pour les deux ans à venir. Mais n'hésitez pas. Si vous n'êtes pas retenu cette fois-ci, ce sera peut-être la prochaine. La poésie est une case qui n'entre pas dans les cases. Par contre il faut qu'elle rentre dans la casse. Cochez ! (comptez un caractère supplémentaire).
Pour circuler, être partagée, lue, connue, il faut être connu, il faut se faire connaître. Passe par les concours, passe par les revues. Mathématiques : respecte la casse, la case. Si vous n'avez pas de réponse d'ici six mois. Et puis, et puis, lorsque ça y est, le type y est une fois, deux fois, trois fois, ce qu'il a écrit, ce qu'il a retranscrit, il doit le dire. Rendez-vous pris, rencontre, lecture publique, explication, exégèse, exagération. Le poète est un inhibé exhibitionniste. Il remet une couche sur ce qui lui a déchiré la tronche et le corps pour sortir. Accouchez ! (comptez avec les caractères).
Le poète doit casser les codes, le poète doit rentrer dans les codes. La poésie n'a pas de définition, elle est. Elle naît d'un besoin. Mais il n'est pas forcément besoin de la montrer à tout le monde.

Heureusement, je ne suis pas poète, alors, je m'en fiche !


mercredi 13 juin 2012

Des croix



  A l'angle mer de la terre
     si le regard se croise
 ne détourne pas les yeux
si les chemins se croisent
  ne change pas de route

                             A l'angle terre de la mer
                                il y a à croiser le fer
                               ne baisse pas les bras
                           plutôt que croiser les bras
                                plutôt serre-moi fier

                                                             A l'angle mort de la terre
                                                            à côté du chemin de croix
                                                            suture aux points de croix
                                                          des cris crissent et croissent
                                                               c'est ceux des craintes

                                                                                                  A l'angle terne de la mer
                                                                                                croix de bois, croix d'enfer
                                                                                                    il y a ce truc qui croît
                                                                                                      à croire je sais pas
                                                                                                    la terre y brûle, vois


il n'y a que ça, la brûlure


mardi 12 juin 2012

Du tenu du fil



- On croit toujours saisir à pleines mains
alors que ça nous file entre les doigts

sans être question de vue ou d'aperçu. -


Fin du jour



Le ciel s'est endolorie d'une vaste hémorragie. Son sang est gris, de la peau de son assassin. Piètre mine qu'ont tous deux, une vieille cigarette filtrée avec avidité par des poumons arides. Ainsi se colore le monde. Des cieux ascètes pour une terne gloire au sol. Amer le goût de la poussière. Sous les flots rouges et noirs qui se déversent et se lient, une ivresse aveuglante, une griserie pharisaïque embaument les têtes qui ont perdu la joie d'être hirsutes. Le train vient de partir. Le vent aussi. Et pourtant, comme une punaise de sacristie, l'écume saumâtre continue de s'épancher vaporeusement sous les kilomètres qui courent vainement, pour se rejoindre tôt ou tard sur le même entêtement, sous les mêmes sanglots. Identiques. Piètre course qu'ils ont. Le train est parti, le vent ne l'a pas attendu. Et les nues brûlent sans outrecuidance ni humilité, évoluant comme un cétacé engouffrant les rares vaisseaux bleus encore chantant leur immense éclair strident. Piètre pourvoi au dessus des membres frénétiques. Sera-t-il possible qu'il souffle encore son verbe, flattant les joues et conduisant le pas ? A ne trop s'élever, il finit recouvert, la peau à vif, de sa propre sève.



2002

lundi 11 juin 2012

Du cri du blues

Il y a de ces musiques comme un chaton. Ça remonte tout doucement vers la jambe. La voix prend en amplitude, un blues humanoïde et épuré. Puis ça s'agrippe des deux pattes, plante le mollet. greffe de points de couture en surpiqûre du jean's. Et ça s'agrippe au corps. Et ça remonte, ça remonte au sommet. Toujours plus prégnant. Une nonchalance alarmée qui caresse et vient chercher la caresse. Ils viennent chercher la subsistance jusque dans la bouche, l'intérieur, extirper la pitance jusque dans la caisse de résonance de la poitrine. Il y a de ces musiques comme un chaton. Ça remonte obstinément vers la jambe. La voix s'obsède à pénétrer, jusqu'à agacer par la compulsion du plaintif. Puis on y retourne, on s'y retourne. On laisse remonter. Et on fusionne la vibration. On pige tout, sans connaître rien du sax ou du saxon. C'est chouette, un chat.

dimanche 10 juin 2012

Du glaviot



Quant à la toux tu as craché, tu t'en es séparé, de ce glaviot, jeté sur le carreau, la fenêtre, la feuille. Il a pris sa forme, relativement indépendante. Il reste quelques instants où tu peux retoucher sa forme, arrondir l'angle, sectionner ou rapprocher un point, mais vite, à trop attendre, il se fixe, sèche. N'est déjà plus à toi, objet externe. Et si tu forces la forme, elle ne reflète plus cette quinte qui t'avais saisi. Le glaire n'est plus l'image de l'état, de la libération symptomatique et physique qui râpait la fosse de la gorge.
Quant à la toux tu as craché ce glaviot, c'est l'abandon d'une petite mort, qui survit dans la trace.


- Ça se retouche, un glaviot ?! -

samedi 9 juin 2012

Calibrage : publication

Publication ce jour dans la revue : Le capital des mots
Mes remerciements à Éric Dubois

A la bonne votre' !

De la toux



C'est une toux, ça décrasse l'intérieur. Tu sais bien ça toi, ancien fumeur. C'est comme lorsque tu tapes un sprint, comme un dératé, puis tu craches tes poumons, tu le sens jusque dans le larynx. Les sacs alvéolaires pleins, qui cherchent à sortir. Ça râpe. Inconsistance noueuse qui dégorge en forçant la paume et la pogne. Qui arrache la trogne. C'est à la fois la maladie et la médication. Une fois que c'est fait, c'est mieux, t'as l'air. Tu respires. Tu peux enfin ressentir le dehors. Et te sentir en toi.

vendredi 8 juin 2012

De la première


La première chose que tu as dite, la première chose qui n'était pas du chien, de l'instinct de faim ou de chagrin. La première chose que tu as dite qui ne tenait pas du réflexe, de l'ensommeillement inatteint, du change impatienté. La première chose que tu as dite comme un éclat dans l'air, qui abêtit tout engrenage, rouage luminescent, éminent. La première que tu as dite qui brise encore l'air quand il résonne, sans être besoin d'en ramasser de brisures. La première chose que tu as dite, sans être la première que j'ai entendu, j'en souhaiterai être la dernière que j'écouterai. La première chose que tu as dite comme la pertinence d'être, ne fut pas un mot. Pour autant, verbe. Pourtant, Verbe. Un rire. Le rire.
 

De la lettre de trop



Ce que dit
la lettre
de trop
qu'elle est superflue
valeur ajoutée au mot
au mot sensé
d'arbitraire naissance
d'arbitraire essence
elle vient greffer
la distinction
signer la complication
causer de son étymon
timbrer son timon

exalter, scruter l'heure
exhaler, sculpter l'heur
champ des chants

ce que dit
la lettre
de trop
superfétatoire
artifice essentiel
empilé, pilé
sur la base
le plus, la pousse
du mot
qui abrite
les richesses du sens

Om d'homme
faulx du faux
chant des champs



jeudi 7 juin 2012

Du signe





 - c'est mon obscurité qui t'a attirée
c'est ta blancheur qui m'apporte
la valeur -

 

De l'encombrement

crois-bien que ces parts-là
qui partitionnement l'épaule
où tu t'appuies, pardonnes
qui donnent ce travers d'allure
crois bien que ces parts-là
qui ancre le foie au ventre
montre du doigt les parois
je les mettrai bien disposés
emportés aux encombrants
serai-je alors porté pareil
sans ces parts-là creusant
ces parts qui encombrent
une part des décombres

mercredi 6 juin 2012

Du clapier du coin



D'abord le grand portail du mur aveugle. Puis la porte grillagée. Pièce d'identité, vos papiers. Le portique, videz vos poches. Il y a un casier. La première grille, le sas. La seconde grille, la vigie. La sonnerie grave à chaque ouverture. Le bras tendu pour tirer leur pesanteur. L'odeur de javel qui vient se mélanger à celle âcre du plastique brûlé et celle forte du café. La troisième grille, ouverture de l'aile droite. L'escalier, la coursive qui fait le tour, au milieu, le grillage tendu dans le vide. Elle retient le regard, allonge l’œil, jusqu'au tréfonds de l'aile. Les portes qui s'alignent, numérotées, étiquetées, rapporteuses. Puis, perdue, incongrue, cette salle de classe enclavée dans le coin du couloir, entre cette petite vigie et le téléphone "publique". Chacun circule et vaque, selon l'heure, la tâche, la peine. Bientôt le travail, bientôt la promenade.
On y engraisse la rancœur, le remord, la colère, le muscle, l'espérance, d'une bouillie infâme. Les yeux accrochés aux barreaux, les barreaux qui regardent au ciel. On y engraisse des squelettes filiaux qui s'agglutinent devant le grand portail, attendant l'heure de la parole. L'heure de parler, et d'écouter parler les sacs plastiques. Le portail, la porte, le portique, la grille. T'es où ? C'est toi. Tu sais. Merde.
C'est tout un monde, parallèle, sans autre dimension, la maison d'arrêt. La vie ne s'arrête pas, elle s'y ramasse, intense. Tendue. Elle s'y ramasse sur elle-même. Fraternité des chiens en chenil. I-monde, a-monde. Un concentré du monde.


mardi 5 juin 2012

Des points d'ancrage




En fin de compte, ce doit être cela. Elle ne symbolise rien, n'est pas un fantasme. Tout compte fait, la mer doit représenter non pas cette possibilité de fuite, mais bien d'ancrage. Prendre la mer, pour faire enfin jonction d'avec ce monde, d'entre ces deux mondes. Lui appartenir pleinement. Cet appel comme un élan vital qui remue, tend vers comme un instinct de survie inconscient. Comme la recherche de l'air pour s'emplir, éviter la suffocation sous le nombre, du nombre. La foule, le prix, le chiffre, le tarif, la côte, le coût. Tendre le cou. Respirer. Tenir sa bourse entre les jambes. Pas science onirique, mais tension presciente et sereine. En fin de compte, ce conditionnement empirique reflue comme une évidence. Là prendra sens l'achèvement. Sans tour de passe-passe, d'ivoire. Au niveau zéro, véritable. La coquille de noix délivrée aux vents.



   

lundi 4 juin 2012

Important

 
- le nœud du sac -

Des voiles

Ce n'était pas un être tout à fait singulier. Il s'obstinait à regarder le monde à travers le voile de ses yeux, en courbant l’œil pour qu'il y incorpore à la vue la tringle du rideau. Ce n'était pas un être tout à fait arbitré. Il n'oubliait pas de tenter d'en détisser les fils pour en suivre le cours, tout en l'écartant en s'écartelant. Il attendait le voile du regard.

dimanche 3 juin 2012

Des causeries et des foins



Si je garde un lopin à la mode des anciens, ce n'est pas pour vanter les mérites des labeurs d'avant. Ce n'est pas pour glaner l'admiration d'un travail d'antan. Si tout s'y coupe à force de bras, de poignet, c'est que l'on y joue en règle la foire d'empoigne entre sève et sang, fibre et chair. Si aucun moteur ne passe ce côté de la barrière, que l'essence de la sueur, c'est pour faire remonter l'odeur. L'odeur d'une mythologie propre. Celle qui va se chercher dans cette vieille armoire vermoulue au fond du grenier mémoriel. Celle qui ressurgit comme un doux reflux fruité : cette effluve de foin ressuscitée du temps insoucié.
C'est raviver en plein air le constituant d'un kitsch, d'une souvenance qui ne peut se contenir ni se contenter dans une fiole manufacturée.


  

samedi 2 juin 2012

De la cueillette : Des proportions gardées

Rester bienveillant, même dans l’exécration.

Des côtés de barrière


  
De l'autre côté de la barrière, c'est une autre époque. Une survivance d'un temps révolu. Un îlot figé au milieu de la procession pavillonnaire qui s'étire toujours plus loin, plus ordonnée, décontenancée. D'antan il ne reste autour que quelques murs de brique aux joints qui s'effritent. Les demeures campagnardes 1900 s'amenuisent, dispersent leur poussières aux intempéries et aux crépis et enduits manufacturés.
De l'autre côté de la barrière, c'est deux frênes qui résistent. Deux majestés des pâturages qui s'étirent dans l'étouffement terrassier des clôtures tissées. Deux cloitres accueillant ce que l'humain ne décèle plus. Pic-vert, chouette, merle, tourterelle et autres. Deux cloitres qui ne connaissent plus le meuglement, plus que la menace de la meurtrissure, l'ombre portée d'une persécution vache.
De l'autre côté de la barrière, c'est une moitié d'hectare qui connait encore quelques gestes d'avant. Qui regarde la friche pousser, les graminées monter, les herbes folles bruisser et les insectes fourmiller en bon garde-manger des tribus volatiles. Ce sont deux frênes qui ne cillent pas lorsqu'ils aperçoivent la faulx se balancer. C'est la lame courbe qui résonne comme les vêpres au loin. A la fois étreint et rassurant. C'est la faucille qui dégage le plant des pousses et engage le bras à l'ardent labeur.
De l'autre côté de la barrière, c'est l'absence du temps machinal. C'est le colloque de l'oubli qui nargue la déliquescence d'une nature ordonnancée. C'est la pousse séculaire qui dit : "je suis là". C'est l'affirmation vétuste et simple d'une essence tenaillée. Le palpable et la résistance d'une essence délaissée. Et le bruit de son effort pour continuer à se perpétuer dans la vue et le corps.