lundi 29 octobre 2012

De l'anticipation

  
  
Je n'ai rien à dire
les reins vont bien
ce mois-ci
le dix du mois
commence
avant le mois.

Je m'hydrate
au calcaire
avant d'être
mis en bouteille
cuvée pleine
de frelons hâtés.

Je n'ai rien à dire
il pleut comme
vache pisse
le travail commence
avant le moi
il y a du courant

Dans l'étable
Dans les artères
                     emporte tout.
                                  même les trous.
  
  

De la salle d'eau



Dehors est
une immense
salle d'eau
d'aisance
aux tuyaux
crevés
les tapis
engorgés
recrachent
les pluies
des cieux
débouchés
les miroirs
se sont couchés
la VMC
est fendard.

 

De la cueillette : De la domination

 
 
La main la plus belle est celle qui n'est ni mise, ni posée.
  
  

dimanche 28 octobre 2012

De la cueillette : Du glanage

 
 
L'ennuyeux, avec le champ des possibles, c'est qu'il est ouvert à tout vent.
  
 

samedi 27 octobre 2012

Calibrage : Des pierres de plus



Hier, ou aujourd'hui, dans le temps froid d'hier à aujourd'hui, la quinze millième page a été lue, tournée ici, comme la quinze millième pierre oculaire posée sur ces lignes.
Ainsi la bâtisse prend forme et rotondité, tout autant par le tailleur, que par ceux qui par leur passage lui donnent sa véritable forme, palpabilité, sa réalité.

Remerciements, et amitiés.
 
 

De l'or dans l'oeil



Il ratisse le temps qui passe à la recherche d'un or meuble, tête baissée.
Il ratisse le temps qui passe, sans penser à lever les yeux, échine lésée,
de ne pas voir ce qu'il a juste sous les yeux.
Ce qui au matin est derrière, et au soir devant.

 

vendredi 26 octobre 2012

De la cueillette : Du rire de culture

 
 
          Dans le large domaine du rire, ils coulent souvent si facilement d'eux-mêmes : le jaune, le gras, le pisseux, le forcé, le déployé, le libérateur, l'hystérique, l'ergonomique, l'économique, le machiavélique... les rires, exhausteurs de vie, non exhaustifs...
          Mais il y en a un qui demande un long et inaquis apprentissage : le rire de soi-même.
  
 

De la décantation humaine



On attend toujours tant des gens
sans jamais rien leur demander
que parfois ce serait si bien
que parfois ce serait si bon
d'enfin pouvoir leur dire
de lâcher la grappe ça tâche
déjà assez pressée pressurisée
sure
comme cela
sûr
  
  

mercredi 24 octobre 2012

Du pathétique



Il paraît qu'il ne paraissait que très peu.
C'est toute la trace pâtissante et impérissable
qu'il restait de son périlleux périple,
qu'on eût pu qualifier de pouilleux,
s'il n'eut été chauve.
Quoique incomplet, c'était pourtant
un homme entier.

 

De la bonne politique



          Pour rassembler sous sa houlette, il devait tour à tour des bras et du corps jouer de la carotte et du bâton. Ne manquait plus pour que son désir et son emprise fussent absolus qu'il sût s'introduire et maintenir par le jeu.
           C'est un jeu bien intime, que la politique. Pour participer, il est bien mieux d'oublier de se ceinturer...
  
 

mardi 23 octobre 2012

Du repos automnal

 
 
Il y a quelque chose de rassurant
dans les joncs jaunis
et inclinés
dans l'ensommeillement
des clefs voûtées
dans l'amoncellement
d'humus futur
dans l'enveloppe de brume
décachetée
par l’œil malhabile
dans la moiteur inquiète
poissant dehors
dans cette vie
qui semble agonir
qui semble mais fait semblant
il y a quelque chose de quiet

  

Calibrage : appel à textes

 
  
Nouveau thème établi pour l'écriture d'une nouvelle (forme libre), dans le cadre d'un partage d'écriture en liaison avec Hervé le Dervé, ouvert à tout à chacun :

"Il est vain d'écrire sur des thèmes choisis. Nous devons attendre d'avoir allumé une flamme dans notre esprit. Il doit y avoir une force reproductrice et génératrice de l'amour derrière chacun de nos efforts pour réussir. La décision froide ne donne naissance, n'aboutit à rien. C'est le thème qui me cherche, et pas le contraire. La relation du poète à son thème est une relation amoureuse."
H. D. Thoreau, La moelle de la vie, 500 aphorismes.

 Oui, il y a un peu de perversité là-dedans, pour un thème d'écriture imposé, donc, à vos chandelles...
  
 

lundi 22 octobre 2012

Des Laudes inversées

 
 
Ils ont valsé
à chacun
des temps
décochés
des cloches
avec attention
avec religion
parce que c'est
leur consécration
parce que c'est
l'inquiétude
de leur salut
au dehors
un peu avant
mâtines
le brouillard
s'écartèle
écarquillant
une lumière
sanguine
sélène
célèbre
la fin
de la nuit
joue à la
fin du jour


La semaine
commence
par une
journée
sans nuit
  
 

De l'ossature



Pour vivre,
pas survivre,
vivre
                                                 simplement,
serait-il prêt à
abandonner 
l'une de ces
                                               colonnes
qui le porte ?
Il paraît
que l'on vit,
l'une vertèbre
en moins.
  
  

dimanche 21 octobre 2012

Du vécu de l'écriture



Il est resté toute la journée
penché sur sa page.
Rien .
Il s'est levé.
Dès lors, elle commença
à se noircir.

Il n'a rien écrit en écrivant
mais bien en vivant,
tout bonnement.

 

samedi 20 octobre 2012

De la cueillette : De la dure dent

 
 
          Même si cela semble parfois gratuit, il est absurde de reprocher aux incisi/f/ves d'être coupantes. Ce serait comme reprocher à l'herbe d'être folle, ou la pierre froide. Par ailleurs, tailler ou chauffer l'un ou l'autre n'apporte toujours qu'une palliation temporaire, la nature a toujours, dans son droit, raison.
  
  

De la bénédiction


 Soulever hauts les chœurs
Se lever haut le cœur
pas besoin d'y croire
pour au matin boire
la première
lumière
  
  

vendredi 19 octobre 2012

De l'incontinence



L'issue de soi, plus qu'un(e) autre, est incertain(e).
  
  

De la noyade du poisson

 
  
           Petits poissons collés aux vitres, ils bavent et essuient leurs lèvres sur les parois de leur mer noyée dans un océan d'aquariums. Ils se livrent à une succession de sussions où ils suivent cure comme délivrance, se délectant d'orgies et de curies, tant qu'ils n'y sont point par trop liés, c'est-à-dire aussi facilement déliés que l'est leur langue, ou leur front obscène de la scène sans questions. Tunnels jetés comme des ponts de l'un à l'autre, en guise d'interactions, quelques connexions buccales en guise de liens neuronaux permettent de puiser en l'autre ce qu'ils ne peuvent creuser en eux. Ils bullent et exposent en vitrine leurs apparats de surface, afin de palier à l'impasse qu'ils ont de remonter à la surface respirer, et prennent l'air à fixer et envier circonspects les graviers verts et émeraudes d'en face. Ils se créent des cires de pets afin de ne pas tomber nez à nez avec leur merde, s'enrobent de tant de rubans pour masquer qu'ils ne sont qu'animaux pensants, et pensent leurs pulsions comme un fatum où céder, accéder d'urgence. Ils sécrètent des bouches rondes, des ronds de jambes, tournent en ronds pour se détourner de leur diarrhée mnésique qui laisse pourtant si peu de traces dans les hauts fonds de leurs frocs.
           Images faciles des carpes, requins, anguilles et autres sardines, images graciles qu'ils s'empressent de masquer pour le repas, le repos. Ils dînent néanmoins désassemblés et inconscients du trépas terrestre, de steaks de dauphins aux tons de thons pressés, si vite oubliés une fois repus.
Petits poissons collés aux vitres, suffoquant dans leur boîte transparente, aérienne, ils versent des larmes d'eau douce dans l'eau salée, à attendre insolubles et dissolus le premier qui tendra le filet, la perche d'où remonter leur atavisme libertaire.
           A attendre, poiscaille moutonneuse génétiquement modifiée dont le seul membre capable de se dresser se réduit, comme une sauce au beurre, un plat sur le pouce, inconsistant, au seul pouce, espérant un peu de sel, un peu plus.

           A se tendre. A attendre.

           Mais aujourd’hui même la mer a des limites, des territoires, et l'image s'arrêtera à l'extrémité de ce jet d'encre. Il est temps engrangé de lever l'ancre.

            A se tendre. A attendre.
  
  

jeudi 18 octobre 2012

De la trace du vide



Des Dents de lion



          C'est encore une boursouflure dans l'obscurité, les crinières sont encore tapies en bouton. Pourtant déjà, déjà. Les crocs sont plantés en terre. Longues dents avides se maintenant au sol. Indécelables, indéscellables. La morsure indolore les tient à la vie, et d'une prise, véloce, se multiplie en meute.
          Chaque matin attend pour éclore, une myriade de dents de lion jaunes et édentées.




- et je dis, humble, je ne suis qu'un autre pissenlit -
  
 

Calibrage : Publication FPDV



Publication ce jour dans la revue FPDV, sur le thème "Jardins"

Égarement lisible via le lien ci-dessus
ou comme d'habitude ci-dessus

mais passez voir tout de même
et surtout La FPDV,
qui concentre beaucoup de travaux
à découvrir, et d'artistes à (re)découvrir.

mercredi 17 octobre 2012

Des transmissions de masse

 
   
Je           préfère
cent fois
porter
à bras
le poids
de toi

plutôt
que l'ombre
portée
si lourde
à bout
de bras    de fer
 
 

De la cueillette : Des commerces

 
  
Il y a deux siècles, on commercialisait la modernité.
Au siècle passé, on commercialisa la consommation.
En ce début de siècle, on commercialise la fin du monde.
Y aura-t-il quelque chose à vendre pour le suivant ?
 
 

mardi 16 octobre 2012

Des abois

  
  
Si on en peint, des mots, si on en écrit, des couleurs, sur des toiles ou des lames de fond, à salir les manches et les surfaces, c'est bien pour les matérialiser, les amadouer, ces putains de rapport au monde, ces angoisses du monde.
Depuis que Dieu est mort, que Nietzsche est mort, que la démocratie est morte, c'est à nous d'y coller des sens, des sentiments.
Alors il y a ceux à sens unique, qui trace tout droit sans voir les murs, emmurés qu'ils sont, puis il y a ceux dont les sens vont à tout va, qui se les cognent dans tous les sens.
Si on ressent le besoin de les matérialiser, ces sensations, ces non-sens, c'est bien pour leur foutre le poing. Pour avoir prise dessus, les crever, les sublimer. Les crever, oui, les vider, se vider. Et laisser la place au reste, ce sang, ces sens qui doivent nous remplir.
Mais là, tu m'emmerdes. Je sens ton trop plein jusqu'ici, ton être plein. Et si loin, il n'y a que toi pour crever l'abcès, liquider le liquide. Causes à part, en causer en aparté. Point barre sur le front.
Je ne peux que te tendre des mains virtuelles, inconsistantes, et des perches de lieux communs. Puis quoi ? !
Si je t'entends, tu m'entends. A part en causer, même sans le dire. Tu le sais déjà, et qui plus est, tu te sais déjà. Je t'aime parce que je t'aime, et parce que tu m'aimes. Si, c'est égoïste. J'aime quand tu aimes...
En d'autres circonstances... Mais c'est maintenant, celle-là, c'est maintenant. Dans le vif.
On va pas se cogner plus avant dans les angles, ni rester dans son coin. Alors je sors un peu de moi, pour te faire sortir de là, mais au fond, tout au fond, t'as pas vraiment besoin de moi. Juste que je t'aime, mais toujours moins que celle qui ne le sais pas encore.
 
 

dimanche 14 octobre 2012

Du cri ménager

 
  
L'herbe mouillée fait un bruit de sachet plastique, sous le galop du chien.
Les oiseaux sèchent leur gosier entre les gouttes des pluies dernières.
Sous la tonnelle, mon crâne frais et ouvert est une poubelle métallique
qui réceptionne tous les sons et la lumière qui s'y jettent. Et recycle.
 
 

samedi 13 octobre 2012

Allongement domestique

  
  
          C'est bien gentil, de se saupoudrer d'une pincée de sel, sur la plaie, juste pour se délecter de la douleur d'être en vie, de se cuisiner un petit plat de maudit. C'est se contenter de se regarder suppurer en bonne conscience. Il en faut une bonne poignée, pour assécher. Puis, puis pour la trace, la mémoire, il faut une meilleure brûlure, un feu vif. Dessus, il faut ramener la flamme, il faut éprouver le vrai spasme, pour en finir, cautériser. Que ça guérisse au moins en surface, sans gangrène, sans s'amputer du courage de la suite. Il faut la dépasser, la contemplation, il faut la regarder bien en face, dans toute sa rougeur, pour y accoler la réalité de la sensation et la dépasser. Y mettre les crocs, fouiller un peu. Sinon, ce n'est que s'en laisser dépasser, une complaisance purulente, indigne.
          C'est bien gentil de se remuer des couteaux dans les plaies, c'est autre chose que de se les foutre chauffés à blanc...
  
 Oui, les crocs, ça brille. Mais pas seulement. Ça claque, aussi.

De la résilience

  
  
Goutte à goutte
je regarde
ne compte pas
y met les doigts
me mouille
m'y noie
les yeux
dévie le cours

goutte à goutte
ton chemin
le mien
regarde-toi
ne conte pas
mets-y les doigts
grenouille
mi-moi
mon vieux
vit la course

Goutte à goutte
t'es pas
à sec
sèche
tes yeux
serre
les doigts
grouille
elles courent
au devant
toi
  
  

jeudi 11 octobre 2012

De la salinité

  
  
Écrire à l'encre
d'eau de mer
soluté seule
sanguine
en densité
d'où s'écule
rondeur
et quelconque
satiété
 
 

mercredi 10 octobre 2012

De la fabrique

  
  
Dans un monde de fabrique de jardins domestiques, où la surface est dressée à l’ego du contentement, jouer un peu à Dieu, en te dispensant de petites pluies dessus ta petite tête, pour te montrer les pluies chaudes d'été, sorties du gant de toilette. Entre ces jardins clos, ouverts sur des allées faussement négligées, aux fleurs taillées qui semblent avoir oubliées de faner, voir encore les faulx se balancer, dans une jungle qui sèment ses graines d'anarchie sur les couvertures de gazon aseptisées.

Si ces coins de jardin sont les miroirs de leurs propriétaires, il ne faut pas voir dans la tenue militaire, dans la tenue millimétrée la grande maîtrise de l'être sur la nature, de l'être sur l'être. Il y transparaît inversement l'angoisse de l'être à la recherche d'un contrôle de son environnement. L'angoisse intérieure et profonde qui cherche prise sur ce qui l'entoure, pour la contourner, mieux se détourner du soi-même. A contempler ainsi la géométrisation de quelque chose qui était et sera là avant eux, un contentement rassurant s'empare de leur regard, de leur hagardise de n'être que des hommes. Il n'y a plus de jeu, plus la question de « jouer » à Dieu, mais celle de se prendre pour Dieu. Et celle de ne pas supporter ceux qui préfèrent le jeu au trop sérieux. Ceux qui tentent de se jouer des angoisses, de jouer comme ils peuvent avec elles, plutôt que de tenter de les tromper, de se tromper.

Être bon jardinier consisterait-il à s'employer stérilement à une domestication artificielle de l'environnement ? Il apprend la nature et son fonctionnement. Peut-être. Il apprend aussi à aller contre, et à fausser son dénuement.

Alors plutôt que de se prendre pour Dieu, y jouer, afin que tu découvres tout ce qui naît sans qu'on ait besoin de le composer, que tu apprennes à composer avec. Jouer ensemble à regarder les choses évoluer par elle-même, comprendre comment elles grandissent, et leur grandeur. Puis te regarder créer ta propre composition, en toute connaissance, ton propre jardin.

Puis pouvoir par toi-même te dire : « a vécu », comme on dit « a voté ». Sans jugement aucun, qui serait à la fois insuffisant, et suffisant. Mais vivre souverain au possible, et surtout en conscience.
 
 

Partage d'écriture 2 : nouvelle 3 : Des sorts de vie



     De comment ils étaient rentrés dans la vie l'un de l'autre, de comment l'accident avait fait rencontrer les routes de l'un et l'autre, il n'y avait plus que des souvenirs de souvenirs. De traces tangibles, que dans les regards silencieux et plissés tournés vers le passé. Ils n'ont jamais raconté ce qu'ils s'étaient raconté, lorsqu'ils se sont rencontrés. Comme si même le bon ne l'était pas. Il n'y avait eu pour eux pas plus de destinée que de destination commune vers la vieillesse.

     Oui, il n'y avait plus que des souvenirs de souvenirs. Ceux des rires et de l'insouciance soucieuse des années soixante-dix. Des soirées entre amis, et plus encore, des sorties en famille. C'est-à-dire qu'il était tombé sur une fille de la campagne, où le patriarche régnait en maître. Où lorsqu'on partait en escapade, c'était une expédition. Et toute la marmaille, les aînées et leurs promis, les cadets et leurs cols ronds et culottes courtes, dans les camionnettes au bruit de tôle qui résonnait aussi fort que les gorges déployées et le cliquetis des bouteilles. C'était l'époque où on ne fumait pas, une cigarette à la main. C'était l'époque où même le vieux portait des pattes d'éph, mais où ils n'étaient pas bitniks.

     Des traces, il ne restait que des goûts d'amertume, des rancœurs mal formulées, un Beretta obscur dans une valise cartonnée, quelques photos jaunies emportées. Mais rien de bien palpable ailleurs que dans ces yeux qui ne veulent plus regarder, mais regardent encore.



     Alors ils ont fait ce que tout à chacun dans ce milieu-là fait. Ils se sont mariés. Ils ont fait des dîners de famille, avec toute la famille, le dimanche. Après qu'elle eut suivi la messe. Ils ont fait des enfants, raisonnablement. Parce qu'on part en vacances une fois par an, en juillet, comme tout le monde, à la mer, comme tout le monde. C'était bien ancré, les congés payés. Parce qu'il y a les factures, et qu'on est qu'employé.

     Mais on n'a pas pris de chien. C'est du travail. Puis c'est un petit jardin. C'est du travail. Bref, ils se sont mariés. Ils se sont marrés. Un temps. Après, trop vite, on s'écarte. Pourquoi ? S'ils le savaient... Peut-être parce que dans ce monde-là, on compte. Les heures, les repas invités, les repas à inviter, les dépenses du mois, celles du prochain, qui s'est occupé des gosses. Mais pas les bouteilles. Puis ni les pardons.

     Et puis d'abord, il lui demandait pardon, à elle, au début. Ça s'est arrangé comme ça un moment. Tant que les gosses étaient petits. Trop petits pour voir, mais pas pour entendre. Mais ça grandit vite, ces bêtes-là. Et puis ensuite, il lui demanda pardon, à lui, l'aîné. Lui qui fût assez grand pour entendre, puis pour voir aussi. Dans ce monde-là, on compte. Mais pas les coups à boire, ni les pardons derrière.



     Et ça commence à ressembler à ça : quand ils partaient le matin, chacun rentrait dans sa vie sans l'autre. L'un qui commençait tôt, très tôt, et qui revenait quand la main était redevenue sûre, assez sûre. Quoique, il y a des tôles froissées qui ne seraient pas d'accord. Et l'autre qui commençait plus tard, quoique. La nourrice, puis la garderie, le travail, le ramassage, le repas, la maison. Mais c'était normal, elle commençait tard. Puis c'est pas le mâle qui touchait à ça. Lui, il touchait au social, à l'utile. Lui, il bossait dur. Il était reconnu, estimé, par les gens. Il comptait pas les heures, ni les coups. Et quand elle rentrait le soir, elle devait rentrer dans leur vie, de famille, dans sa vie à lui, même si lui n'y était pas encore rentré totalement, gêné par quelques vapeurs. Ça c'est arrangé comme ça un moment.



     Mais ça grandit vite, ces bêtes-là, et les rancœurs. Et tout ce qu'on compte. Et l'aîné de savoir compter aussi. De compter en silence. Les bruits dans la nuit. Le convecteur qui se met en route, dans la chambre d'à côté, la respiration, les voix de la télévision dans le salon, les voix des parents que la télévision ne couvrait pas.

     De compter à voix haute. Pendant les repas, les insultes, les repas qui défiaient l'apesanteur jusqu'à la poubelle, les couverts qui jouent la concurrence, mais pas vers la poubelle, souvent. Jusqu'au moment de demander des comptes. Et alors ça ressembla à ça : la vie qu'on montre à travers les mots beaux comme la façade repeinte, la voiture qu'on venait de changer, les prochaines vacances au club mutualiste à la mer ; et la vie que chacun menait de façon parallèle, presque sans se croiser. C'est facile, quand l'un se lève tôt, l'autre rentre plus tard. Ne restait presque que les repas. Parce que les repas, ça se prenait en famille.



     L'aîné n'oubliait pas de compter, et il le faisait savoir. D'abord les pardons, au moment du coucher, puis très vite, les mots échangés. A la mère, puis avec lui. Enfin les coups dans la gueule. Pas à la mère, on ne frappe pas une femme. Mais on ne manque pas de respect à son père, bordel de merde. Jusqu'au jour où elle prit son courage à deux mains, après l'avoir mis dans son plat. L'aîné venait d'esquiver un couteau ailé, et de claquer la porte. Elle claqua son poing sur la table, et lui laissa une semaine.

     Ça s'est fait sans presque mots. Des mots de convenance, des mots de partage. De partage des biens. A travers des courriers d'avocats, jusqu'au jugement. Bien sûr, les enfants resteraient avec leur mère.



     De comment ils étaient sortis de la vie l'un de l'autre, il reste un acte de divorce, comme le dernier mot attestant qu'ils eurent un jour une relation. Et deux enfants, qui eux n'en touchent plus un.


 Cédric Bernard


Librement inspiré des phrases : "Comment pouvait-on disparaître aussi facilement de la vie de quelqu'un ? Peut-être avec la même facilité, en définitive, qu'on y entrait. Un hasard, des mots échangés et c'est le début d'une relation. Un hasard, des mots échangés, et c'est la fin de cette même relation. Avant, néant. Après, le vide." d'Antoine Laurain, Le Chapeau de Mitterrand.

mardi 9 octobre 2012

Des mauvaises graines



Ils sont quelques-uns, une poignée de blé tombée dans le coin des ronds-points. Ils sont tombés de la machine sur le chemin de la centralisation, à rejoindre les herbes folles, à se glisser dans les failles du macadam. Ils sont quelques-uns à s'arracher régulièrement en abandonnant des racines, disséminant des graines comme du gravier qui ripe, fait glisser les roues qui tournent top rond.
Ils sont quelques-uns, qu'un coup de balai ne fait que déplacer un peu plus loin. Ils sont quelques-uns à déranger l’œil des voisins, près de leurs jardins, à joindre leurs têtes germées, prêtes à faire éclore de nouvelles fleurs derrière les épines. Et toujours ils repoussent les bordures cantonnées, à défier les cantonniers. Ils sont quelques-uns à se raccrocher obstinément à leur nature.

 

lundi 8 octobre 2012

De l'incorrection des cieux II

   
 

Le petit matin, grivois malgré lui, aperçut

les fesses des nues rosies par la fraîche,

surprises par le jour qui alluma la lumière si tôt

et par la couverture lascivement glissée.

Il ne détourna pas le regard, et tendit les paumes.

  
  

De tout ce qu'on ne dit pas



Il avait une certaine propension à raconter si bien tout ce qui ne peut pas se dire, 
que la pluie de son silence lubrifiait chacun des mots en s'y infiltrant.
A n'y prendre garde, on s'eût facilement cassé la gueule dessus.
  
  

dimanche 7 octobre 2012

Des faire II



Faire pour sentir bien,
au creux de la falaise,
près de la lampe-tempête,
loin des phares.

                                         Faire contre ton corps,
                                         au creux du malaise,
                                         apprêt lapé aux tempêtes,
                                         au coin des tares.

Faire avec la récession,
au creux de l'alèse,
après se happer aux temps,
joindre sur le tard.


- Mince silex
balloté
aux marées
qui érode
sa brillance
au jeu rude
de l'usure -
  
 

De la résonnance des ondes

 
 
S'entendre sur quelques accords
y dispenser ses voix
s'accorder sur les arangements
y déranger les lois
se porter sur quelques notes
y dénoter la foi
que l'on porte l'un à l'autre
s'accompagner de toi
partitionne du monde
et repositionne les ondes
sur la portée

vibration intestine
résonance des atomes
sur le lac intérieur


 
 

samedi 6 octobre 2012

Calibrage : Publication





Mes remerciements infinis à la revue Les Tas de Mots,
qui m'ont ouverts leurs pages en leur numéro 10 d'automne.
Ils inaugurent à mon grand plaisir la première
apparition sur papier des mots des marées.
 
 

Des petites plumes

  
  
Certains
matins
viennent
se poser
sur le derme
des joues
ridées
une pluie fine
d'éclats doux
et duveteux
une ondée
de cris blancs
comme le
bruissement
des fleurs
de cerisier
en suspend
éclosion
des graines
semées
récolte
des fleurs
maternées
à rendre
l'averse
d'automne
aphone
et l'homme
heureusement
niais
  
  

Des pas à pas


 
Quelque part derrière les piliers, l'ombre hésite, palpite
Derrière elle les marches gravissent les colonnes
S'y engager, ouvrir chacune des portes et porter
La beauté des anges jusqu'au sommet de sa joie
Oubliant la cellule suivra la naissance de ces pas,
résonnant en son corps comme le battement de son coeur
revigoré





- belle lumière, mon ami -
  

vendredi 5 octobre 2012

De la cueillette : Des gens à priser

  
  
On doit prendre les gens comme ils sont,
néanmoins,
heureusement,
on ne doit pas se sentir obliger de les prendre tous...
  
  

Des faire

 
 
Aux maux choisir toujours le moindre.
Il sera toujours possible de faire pour. Pour mes amours la démultiplication des membres et des forces, tout le possible des possibles et de ce qui ne l'est pas. Pour faire tout ce qui semble juste et faire de la personne une personne juste. Il s'entend que cette justesse n'a rien de bien universelle, mais verse bien plus dans le subjectif. Que ce subjectif n'a rien de justifiable, et n'a besoin d'être justifié, pas même envers soi-même, car à partir du moment où il est une ou des raisons à mettre sur la table, cette dernière en sera bancale. Juste ce qui semble juste à soi-même, et donc en fin de compte, pour soi-même. D'un autre côté, l'être humain le plus désintéressé se meut d'abord dans un premier temps pour lui-même, afin d'être capable d’œuvrer pour d'autres.
Il sera toujours possible de faire contre. Contre l'improduction de chacun des niveaux auxquels il y a prise à avoir, et de ceux où il n'y a pas prise. Contre ces emprises et les contre-faits qui semblent injustes et faire ailleurs ce qui le serait plus. Il s'entend que cette opposition n'est pas uniquement une contradiction. A faire contre le corps de l'autre, il est mille choses à s'échanger plus que des flux. Ainsi à ce faire-contre, il y a nécessairement de l'amour. Celui que je te porte, et celui qui pousse à l'indignation devant quelque chose qui va à l'encontre de ce qui permet à l'esprit de considérer une chose juste.
Et il sera toujours nécessaire de faire avec. Avec la dépression qui ménage ces instants d'euphorie d'entre les trous, ceux qui permettent au goéland de se conduire dessus des kilomètres sans terre sans se poser. Aller d'ascendant en ascendant en ouvrant toutes grandes les ailes et la gorge déployées, se laisser porter. Pas docile, non, pas si indolent, non. Déporté volontaire. Suivant un courant décidé, d'avant le prochain froid et son débat, sa débâcle. Et de faire avec permettra de faire pour et de faire contre, et de goûter en reculant chacun du résultat de ces faits. De remonter du faire avec lorsqu'il est besoin ou temps.
A y regarder, aussi bien l'essence que le superfétatoire relève du besoin. Celui d'être léger et grave. Celui de s'équilibrer dans ce que l'on fait. De choisir d'y trouver un sens, ou non. De choisir d'y trouver du plaisir, ou non. Pour se tenir droit, en plus de quoi nourrir la mécanique charnelle, l'être humain a besoin de sens, et de plaisir, et de pouvoir s'y retourner. S'il n'y trouve pas de quoi s'accomplir, il aura au moins trouver de quoi accomplir, ce qui est déjà pas mal...
  
  

jeudi 4 octobre 2012

Du contre-sens


  
          Il avait beau ramer de sa cuillère à contre-sens du cadran, dans la nuit de sa tasse, rien n'y faisait : le temps noir continuait d'arracher les petits bouts de sommeil, et de le dissoudre entre ses deux aiguilles chirurgicales.

 

De la cueillette : Du bois de chauffe

  
  
Chacun traîne derrière soit des fagots, des stères, qui à les croiser semblent éteints, mais qui pourtant consument au dedans.
  
  

mercredi 3 octobre 2012

Des épinglés



Alors que
tant sèchent,
épinglés,
sur le fil
à douiller,
elles,
attendent,
dolentes,
de se mouiller
tantôt.
  
  

mardi 2 octobre 2012

Des automates


 Qu'ont donc ces touristes, qui savent où se rendre, là même où ils ne sont jamais venus ?

          Ils ont l'aveuglement de croire qu'ils ont, alors qu'ils ne sont que de passage. Qu'ils suivent un programme, une programmation, une mathématiques. Serait-ce vraiment ça ? La route comme un algorithme, une mécanique ? Le goût n'en est pas un alors, plutôt une odeur. Une odeur qui rassure, loin de toute question, de toute découverte.
Face à ceux qui souhaiteraient ne pas faire parti du sombre programme d'autres, langés dans la poussière, mouchés du bâton, le creux au ventre. Face à ceux qui aspiraient à un autre programme, et qui ont à peine l’œil famélique d'en entr'apercevoir un autre. Ceux-là qui tendent le nez haut pour sentir enfin le courant venir.
Et entre-deux, les autres. Ceux qui sont perdus entre les deux, ceux qui ont perdu leurs routes, qui perdent de vue qu'ils ont une route. Qu'elle peut suivre le cours du vent, la fantaisie du courant. Ils ont la faiblesse de voir en eux les obscurités comme des points de fuite, alors qu'elles constituent leur force à s'élever. Les poinçons en soi sur lesquels, douloureusement, s'appuyer.
Ainsi en s'élevant, ils passent dessus les premiers, et peuvent se pencher sur les seconds. Et donner eux-mêmes à voir, sans nécessairement en avoir la conscience, l'horizon d'autres possibles. Et de donner sans le vouloir d'autres passages hors de toute logique, mais en pleine poétique.
  
  

lundi 1 octobre 2012

De l'indifférence des emprunts

  
  
Son inconstance nous attire
si régulière, grave
elle retire chaque marque
des baisers de son col
posés de nos peaux nues
écartant d'un effleurement
notre affleurement avide
elle sans possession
est dépossession entière
qui leste à demeure
rendu de ce qu'on lui prête
c'est qu'elle a laissé
de ses lèvres
l'empreinte à nos regards
le gris du sel à nos iris
à irradier nos pupilles