Petits poissons collés aux vitres, ils bavent et essuient leurs lèvres sur les parois de leur
mer noyée dans un océan d'aquariums. Ils se livrent à une succession de
sussions où ils suivent cure comme délivrance, se délectant
d'orgies et de curies, tant qu'ils n'y sont point par trop liés,
c'est-à-dire aussi facilement déliés que l'est leur langue, ou
leur front obscène de la scène sans questions. Tunnels jetés comme des ponts de l'un
à l'autre, en guise d'interactions, quelques connexions buccales en
guise de liens neuronaux permettent de puiser en l'autre ce qu'ils ne
peuvent creuser en eux. Ils bullent et exposent en vitrine leurs
apparats de surface, afin de palier à l'impasse qu'ils ont de
remonter à la surface respirer, et prennent l'air à fixer et envier
circonspects les graviers verts et émeraudes d'en face. Ils se créent des cires de pets afin
de ne pas tomber nez à nez avec leur merde, s'enrobent de tant de
rubans pour masquer qu'ils ne sont qu'animaux pensants, et pensent
leurs pulsions comme un fatum où céder, accéder
d'urgence. Ils sécrètent des bouches rondes,
des ronds de jambes, tournent en ronds pour se détourner de leur
diarrhée mnésique qui laisse pourtant si peu de traces dans les
hauts fonds de leurs frocs.
Images faciles des carpes, requins,
anguilles et autres sardines, images graciles qu'ils s'empressent de
masquer pour le repas, le repos. Ils dînent néanmoins désassemblés
et inconscients du trépas terrestre, de steaks de dauphins aux tons
de thons pressés, si vite oubliés une fois repus.
Petits poissons collés aux vitres,
suffoquant dans leur boîte transparente, aérienne, ils versent des
larmes d'eau douce dans l'eau salée, à attendre insolubles et
dissolus le premier qui tendra le filet, la perche d'où remonter
leur atavisme libertaire.
A attendre, poiscaille moutonneuse
génétiquement modifiée dont le seul membre capable de se dresser
se réduit, comme une sauce au beurre, un plat sur le pouce,
inconsistant, au seul pouce, espérant un peu de sel, un peu plus.
A se tendre. A attendre.
Mais aujourd’hui même la mer a des
limites, des territoires, et l'image s'arrêtera à l'extrémité de
ce jet d'encre. Il est temps engrangé de lever l'ancre.
A se tendre. A attendre.
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