jeudi 12 septembre 2013

Un tour dedans



 
Je m'y ferai presque aux marais après tout de l'eau c'est de l'eau la pluie ne me dérange pas trop surtout après ce soleil après tout c'est de l'eau au crépuscule il n'y a plus personne ici il y a le monde et c'est bien je peux sortir et le chien
nous avons commencé depuis quelques semaines nous sommes un peu pareils nous sommes pareils lui en chien c'est exacerbé dans son animalité là comme ça il n'y a aucun danger c'est mon doigt mon œil et on y va
seulement il suffit d'un autre d'un congénère et c'est la guerre la bataille la charpie dans des nues de poils on n'y peut rien c'est comme ça dégénère je m'y fais il ne supporte pas l'autre j'aurai préféré que ça lui soit égal
du moins qu'il fasse semblant comme moi c'est un chien ça lui aurait évité de me démettre l'épaule percer l'tympan chaque fois que quelqu'un a oublié de rentrer j'ai pris parti qu'il n'était pas politiquement même si parfois c'est excédant
il a le mérite de rester entier dans son enveloppe de trente kilos c'est bien ce que je dis ma moitié en balance au bout d'une corde quelques poils en plus je l'ai dit il est excessif on ne se lâchait la grappe pressée qu'au cavalier
quand on a vérifié que personne ne restait ne pouvait y rester puis c'est parti pour lui plus de laisse jusqu'au retour à cette heure-ci c'est lapin borgne et héron accoudé dehors au vent nous franchissons et le chemin schiste rouge
qui ne nous appartient est à nous il repasse son nez sur toutes les traces du jour en se souciant de celles de la veille tandis que je repasse les ordres du jour et ceux de demain au fer à souffle c'est entre reprendre et reprise
il fait trois fois la promenade dans ses allers et retours et j'en reviens la pluie s'est remise sur les dos noirs des terrils l'épine s’embrunit de gris-mauve et demain matin elle sera la brume qui monte des champs et des tourbières
tant que le clope ne prend pas l'eau je sens sa chaleur remonte le long des lèvres jusqu'aux pointes de la moustache la fumée s'aplatir sous le rebord du chapeau avant de se faire happer par un jappement d'air
quand ça souffle fort ça siffle et le trot du chien la loco chemine en dehors des rails sans les rails nous avançons ça fait quelques semaines nous oublions le quai le cavalier c'est un peu plus tard un peu plus froid il sort sans la laisse
il n'y croyait pas marchait d'un très beau pas juste comme il faut depuis il a compris et triche déjà un peu dépasse d'une tête enfin y croit et dans sa joie se fait tous les poteaux et fait peur aux coureurs endimanchés du mardi et des autres jours
on se prend le pied dans les mains parfois je me dis j'aimerai bien y laisser l'oppression du crâne dans la vase où certainement il ne serait pas tant dépaysé un peu de la certitude des doutes qui collent aux basques
je vois bien les lentilles vertes agglutinées jusqu'aux bords des yeux si proches qu'elles font de noires tâches mais je n'essaie même pas je sais ça prendra encore alors lui je lui délaisse à la porte le licol tant qu'il tient encore
à moi à la voix à la voix qui ordonne reste en vie prends ton pied entre les pattes et la truffe humide l'eau c'est bien de la vie et je crois toujours que celle en tête avec la pluie ruissellera de mes oreilles quand toi et moi échangions sur le sujet
nous en espérions en conclusion que nous somatisions mais j'aurai préféré peut-être pas un moindre mais un autre mal que celui-là qui ne se voit pas mais se sent si bien à chacun des pas sur lequel il appuie de tout son poids vide
je rêve alors que sans sa laisse il n'y pas que lui il y a moi aussi qui me promène sans laisse que tant qu'il halète au dehors je m'allaite des espaces aérés d'entre les bordures et que ma barbe ne soit pas le barbelé des céphalées
j'espère sans espoir j'espère ce qu'il faut cela cela même on peut bien y arriver arriver ce qu'il faut faire ce qu'il faut pour n'être pas comme lui mais chien fidèle à lui-même inconditionnellement à sa condition d'imbécile
cependant je le vois soumis à sa propre hérédité qui se retourne en lui se retourne contre la main qui le nourrit ce même repentir dans l'haleine d'après avoir mordu même s'il est chien et lui homme nous n'avons qu'un devenir ancestral
nous avons commencé à retravailler sa docilité dans la liberté j'essaie d'y abandonner avec les bagnoles qui passent le son rond de la gomme sur le macadam les branches mortes des synapses dans les marais


 

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