lundi 9 décembre 2013

Le cas Leleu # 7







           Après l'injection, les soigneurs entrèrent avec le matériel, le sujet resta calme, s'allongeant de lui-même sur son lit, ailleurs et docile. Le petit maillet se leva, puis s'abattit sèchement. A notre surprise, le pic ne pénétra que la peau, arrêté par on ne sait quoi. L'os devait être théoriquement fin et aisé à transpercer, à cet endroit. Le sujet hurla. Le soigneur leva à nouveau rapidement le petit maillet puis cogna à nouveau, plus fort, affolé. Le pic s'enfonça à peine plus dans la marque précédente, et malgré la morphine le sujet hurla derechef de douleur. Il releva la tête et plus que circonspect m'interrogea du regard. Les soigneurs interdits me fixaient, puis la blessure qui n'en était une. Face à l'agitation de Leleu, et pour éviter un traumatisme additionnel, nous nous retirâmes, le laissant, le crâne bandé d'une gaze rougissante obstinément. Je jugeais indécent de réitérer l'expérience sur l'autre tempe. Ils sont rares les patients qui conservent en mémoire une telle expérience. Il me confia plus tard que ce n'était pas tant la douleur du coup porté que l'immense résonance dans son crâne, ce bruit atroce au contact. Un autre bruit commençait à courir.



Je n'ai fait que passer dans les paysages
je n'ai fait que traverser comme un paysage dont je ne faisais pas parti
je n'ai fait que passer des paysages sous les paupières closes
que je repasse à présent que je n'ouvre plus les yeux
un fantôme carné dans sa pèlerine de gris élimé éliminé par la pénombre
du regard de l'autre qui se tourne alors que les pas se détournent
et s'appuient comme les ailes blanches blanches sur les épaules du vent
à migrer là où il fait toujours froid vers des cavités sans langues
sans pouvoir plus articuler autre chose que des pas à pas
un peu plus lentement loin de soi comme entre deux clignements
un peu plus loin de soi inscrit sur la terre des paupières



 

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