samedi 2 mars 2013

De ce que brûlent les yeux



 
Je ne pose plus la question, à quoi bon ? Résoudre le comment est déjà bien étrange. Dans les rues, les cafés, les cours..., au volant, aux WC, dans la cour, la ruée, le café, au PC, dans le carnet, un bout de papier. Avec ou sans, les points, poings, pointillés, point y est, et même l'idée, avec ou sans. D'avoir commencé, recommencé, on y prend goût, d'arrêter, reposer, on y prend goût. Sans savoir où cela mène, si cela mène, les bouts de nez sur les lignes, les bouts de doigts à la ligne, des doigts en feuilles jaunies, cornés. Jaunis de tabac et de temps passé. A ce que les yeux brûlent. Ah ce que les yeux brûlent.

Le petit texte, le petit rassemblement. Des instants dans un moment, des instances d'indispositions à disposer. Aux dépens. Tu me suis ? Et la dépendance. Il me faudrait rassembler. Moins assembler, moins ressembler. Je m'en suis aperçu. De n'avoir ces quarts d'heure juste à cela, juste à rien. Pouvoir poser, sans reposer les yeux. C'est ceux-là qui écrivent. Et qui ont besoin de rêver, de ne plus bouger pour mouvoir. Avoir ces quarts sœurs pour modeler les fonds en formes. Ratisser. Qu'ils puissent retomber. Que je puis être frère. Et moi. Je ne pose plus la question. Si cela mène, mais où se mène ? Il faudrait rassembler plus que cela, visiter à nouveaux, remuer encore les traces dans le sable pour ajuster le chemin, ajuster la ligne du rivage, toucher au tableau. Laisser voir la vision. Cela mène-t-il à cela ?

On en parle, un peu, doucement. Ce serait à faire. Ce serait affaire. De délaisser les fils pour tisser les mailles. Se mettre à tendre la toile et y appuyer la couleur. Il arrive d'en avoir l'aperçu. Une fulgurance derrière l’œil. Qui n'existe pas. Qui le pourrait. Une fulgurance qui a corps au dedans. Et qui attend. Qui pousse aux parois. Crève les membranes pour sortir. Crève de ne pouvoir sortir. Il faudrait rassembler. Les instants dans un moment. Un instant d'enfantement. Se mettre aux dimensions. Mais révéler les facettes. Admettre le miroir. Qu'il reflète, et les autres dedans en soi. Savoir qu'il n'y a peut-être pas de reflet. Que la mise dans l'abîme. S'abîmer encore les yeux. A ce que les yeux brûlent. Ah ce que les yeux brûlent.

Regarder devant le rictus qui dit poète. Railler ce rictus. Et quoi ? Et puis ? Et les dérivés, les dérivations. Encore se faire ramener à. Comme s'il s'agissait d'une espèce. On en dit bien la particularité, et l'extinction. Se faire amener à. Exposition encore. Foire. Cage ? Avec un prix. Code barré. Voir déjà un peu où cela mène. Le maudit c'est des conneries. Pourtant il effleure, il affleure, même. Dans la prédisposition de l’indisposition. Dans l'à-côté d'être. Dans la vie de l'autre. Dans l'égoïsme du partage. Dans la claustration animée. Dans sa fragilité ferme. Il est pour l'autre. En étant seulement soi. Et la juste dose d'injuste pour les deux.

Mais il n'y a rien, suffisance de projection. Que la première ligne blanche de la route sur la feuille. Il faudrait échanger le crayon pour le pinceau, pour se faire poète. Transformer le rouge des joues, transformer le rouge des yeux en encre noir. Mais il n'y a que ces flirts de semi-écriture, des sursauts d'électrons, de déplacements atomiques qui n'explosent pas, qui infusent tout au plus. Des satisfactions instables.

Je sais qu'il faudra. Mise en pression, à sentir, démentir, y tremper lèvres après avoir racler la mousse, l'écume. Fracturer d'avec le fantasme et réaliser. Ne plus maintenir. Laisser derrière pour la première fois. Tu me suis ? Accepter la paternité d'un abandon. Et sa vanité.

Comme si l'aboutissement pouvait être un emboutissement. Un embourbement. A nouveau ce sectionnement nécessaire. Cesser de s'émouvoir pour voir peut-être d'autres s'émouvoir. Cesser l'incertitude pour l'incertitude. S'en remettre à ces autres scènes qui percent aussi vers dehors. Et leur inconsistance. Miser sur les scènes assoupies. Miser sur ce qui dort. Jouer à nouveau. Jouer encore. A la gestation. Indéfiniment. Lassablement.

J'en sais qui ont dormi longtemps, que tu sais à présent. J'en sais qui dorment encore. Qu'il y a des tableaux dans les miroirs. Qu'il faudrait les peindre, les prendre pour les abandonner. Au risque qu'il n'y ait plus rien après. Il y a d'autres cloisons à démonter à remonter un peu plus loin de soi. Des cloisons creuses qui cachent, qui ne cachent pas grand chose. D'autres atomes de l'échec. D'autres fulgures d'échecs à réussir. Mais d'abord, échouer là. Là où rassembler les yeux abîmés. Là où les yeux brûlent et les doigts jaunissent à vouloir équarrir les couleurs en noir et blancs.


 

4 commentaires:

  1. Aligner les mots, les effacer, douter, encore et encore, se taire, s'éloigner, oublier, mais y revenir toujours, car l'impérieux besoin est là.
    J'aurais aimé avoir écrit ce texte.

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  2. merci Annel'eau, et bienvenue en ces bords de mer

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