Ce matin il pèle. Il pèle sur le
clope jusqu'aux doigts, il pèle sur les mots dans le crâne. Dans ce
cas-là, on le sent toujours venir. La main droite est refermée sur
elle-même, recroquevillée. Elle ne tient rien mais ne vient rien
lâcher. Ça fait plusieurs jours que je songe à cette histoire de
globules. Je songe aussi à cette prise de sang. A l'analyse de mon
mot, depuis plus longtemps qu'à celui de mon sang. Encore inconnus,
il n'y avait pas de lien entre elles, jusqu'à ce matin. Il y a
quelque chose qui se touche.
Parce que c'est un peu ça aussi, d'une
certaine manière, cette extraction matinale, ou journalière tout du
moins, qui demande de puiser toujours un peu plus loin dans les
artères, les veines. Aller extirper quelques globules rouges, les
écraser, les aplatir du doigt sur la feuille, étaler la traînée
de ce qui nous nourrit le corps. Ce qui le réchauffe aussi. Comme
quand on cause de quelque chose d'assez tendre, sous le microscope
d'une image autant anodine qu'inattendue. Aller extirper quelques
globules blancs, les écraser, les aplatir du doigt sur la feuille,
étaler la traînée auto-immune qui nous protège le corps. Ce qui
raffine le chef aussi. Comme quand on dépose les clauses d'une
corrosion, selon l'optique de la lentille, on en voit la cause ou
l'effet. Aller extirper quelques cellules bactériennes, les écraser,
les aplatir du doigt sur la feuille, étaler la traînée infecte qui
nous ronge les meubles et les murs. Ce qui est passage clandestin
aussi. Comme quand les restes de mer crissent dans les plis, en
appuyant un peu fort, on déplace les grains.
Et tout en songeant, j'oublie de penser
que bientôt, les rayons vont me dépecer, ou que je vais me dessaper
pour les rayons, les deux quoi. Puis je peux réécrire les mêmes
conneries, parce que c'est ça aussi, cette extraction, se faire
traverser par des lignes invisibles qui viennent nous fixer
l'intérieur en images plus ou moins floues et en camaïeux de
binaires, etc... et le même genre de triptyque aussi enflé
qu'érodé...
Mais non, parce que ce matin, il pèle.
Il pèle sur les doigts le bout du vent. Il pèle sur les braises du
crâne. Dans ce cas-là, on ne le sent jamais finir. De deux doigts,
j'efface toutes les lettres tapées en double par la main, laisse ma
faute et ses orthographes, épargne un peu plus de méta-langage, et
économise enfin la langue dans cette causerie de l'écriture et du quotidien, ou de l'un de l'autre. La main ne se déplie plus.
Vous recevrez les résultats de votre intérieur par courrier.
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