samedi 10 mai 2014

La marche, thème







les huées dans les yeux
la sueur dans le dos les entrailles
qui coulent d'entre les cuisses
jusqu'aux chevilles collent
aux jambes le pantalon
les huées dans la bouche des regards


marche une marche en trois temps
pom pom pom pom pom pom
gauche canne droit gauche canne droit
poser le pied se maintenir
tasser le sédiment dessous
soulever poussière autour


le ciel traîne
le ciel de traîne sa gueule
contre la sienne
une gueule d'orage éclaircit
la sienne
d'une affection humide
lape la couenne et les pas
le vent jaloux jappe


il marche depuis
le soleil a un nom
il marche mille pattes
dans les ans
il marche des yeux
sur le silence sonore
illusion de l'autre
posé en ligne
papillons qui s'envolent
dans la tête
lorsqu'on les regarde
un brouillard
il marche avec les mains
sur des fils de bois
le long des doigts
les copeaux frisent
et se recroquevillent
sur lui-même
digitale empruntée
qui est-on


il marche depuis
le soleil a un nom
pour lui un son
dans la bouche
et la vérité du mensonge
dans celle du monde
il marche du corps
retrouver la ligne et la fuite
un corps de monde
dans le monde un autre
jamais assez loin
des autres de soi


tantôt frôler le fil approfondi
brutaliser la parure
tantôt écarter l'écaille
comme ôter des lambeaux
qu'on observe à la lumière
ce qui reste


la marche émince le monde
passe le jour à l'économe le pas
coupe décape ajoure l'oignon monde
le sel coule sur les joues
du dos les heures suent


l'ombre effile et le pied entre
dans le sol-fil entre du jour craquelé
un pas un seing dans poussière
ou boue tantôt consumé
dès le membre se soulève
déjà l'encre du pas évanoui
tandis l'ombre effilée
une ombre au sourcil
sur le tableau de l'attardé
dehors et dans le décor
le mensonge un autre
d'un œil qui s'en retourne
s'accrocher au cadran s'en détourne
dedans
dans son monde barré son
monde loti blotti de ciment


la marche émince le monde
au long des saules têtards
l'écorce accessoire effondrée
à même la mare
crevure d'une cellule inutile
tantôt portée au ru nourrir
vase noire ou boite noire


l'épaule l'empreinte le mot et l'ombre
fondu dans le sol-fil
la marche épand le souffre
l'être gratte à la main la lumière
la canne le clope la cale
ce qui reste
sèche la viande
le plus épais
l'opacité


il marche sur un fil
tension entre deux pylônes
avec un caténaire pour cathéter.
il pose le pied comme on pose
la main sur un barbelé
alimenté au courant alternatif
ça picote sous son cuir de bœuf
stimule l'impression
dépasse successivement des seuils
d'intolérance aux pas de portes
d'indifférentes tolérances


de loin là-bas au bord
il voit le débordement du vide
à l'épicentre son nombril
prêt à tout emporter
rentrer en dedans
loin des huées ce qui crie
à l'autre côté du fil
les reniements remanient
les talus des chemin de soi
il tend les mains dessus les deux
qui effleurent en continu-huant


marcher c'est toucher à
se toucher sans pour autant
faire bien se faire du bien
parce que la vie est ainsi faite
la vie ainsi parfaite
la vie ainsi parterre
de fleurs entre les lèvres
entre couteaux et dents
sourires chiendent ou chienlit
la caravane poursuit


il marche sur les chemins bleus
évitant de troubler
les pièces de ciel
éparses
ils n'ont plus rien
de cavaliers
pluie au pas
lune pleine
et terre saoule
les chairs flottent


au bout des laisses la marche
comme un parcours sans arrivée
ni trace
des pas points de sable
ceux qui restent
dans la chaussure
qui ne se chassent pas
malgré toutes les battues
malgré la marche


musique : Pom Pom Pom,
Les Ogres de Barback et la Fanfare du Belgistan
2005




2 commentaires:

  1. dit ailleurs mais laisser ici la trace de l'enchantement conçu lors de cette marche où tout participe

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  2. merci d'avoir accueilli ma "poudre aux yeux", au plaisir partagé, chère Nouille

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