lundi 7 octobre 2013

Des vieux jean's

 

 
Elle a beau être grande et ourse, elle finit toujours par passer à la casserole du jour. Il a beau être grand et ours, le temps lui a aussi bouffé une partie du plat et de la résistance.
Il se pencha sur la source, remonta, cherchant où comment il avait sombré, remonta, suivit le cours jusqu'à la mer. Enfin tu crois, fuir à quoi cela a-t-il servi ? Il a récupéré le sommeil. Le psy à creuser le déséquilibre financier, au mieux, mettre à jour des évidences. Des fausses preuves, des décharges avec leur odeur. Les marées avaient tout effacé, mais n'efface rien. Il creusa pour chercher dessous les laisses, n'y trouva que la sienne. S'inclina alors sur son retour au rivage, les cloques dues aux rames, les poids qui entraînent, les plombs de flottaison, les hauts-fonds, le tirant contraire. C'est d'avancer. Se tira de l'eau, tira de l'eau de quoi s'éclairer s'éclaircir du trouble. Mais quand tu plonges ta main que se passe-t-il ? Il restait ces marques qui ne sont pas physiques. Il tira les restes de coque envasée sur le rebord, les enseignements s'ils en étaient. Pas même un radeau alors que les tentacules l'agrippent. Calfeutrer, calfeutrer, chauffer et sentir encore le goudron cette fois sans plumes. Enfin sécher décharné, redresser les barres. Ça, la gaule a mis un peu de temps à revenir. Vidé il a fait le vide encore, à remplir d'autres espaces, encore la rengaine. Du rien. Il a parcouru encore jusqu'à se laisser lui-même emplir. Du rien. Jusqu'à être reconnaissant d'avoir été recraché. Sur le dos d'autres pluies. Les toiles se délavent et ces images, de nouveaux grains, les mêmes, déplacés. Le ciel comme un vieux jean. Comme un vieux jean même si c'est lui qui t'enfile. La mer se retire et l'être finit lui aussi, tôt ou tard. Par se retirer. Il reste qu'il perpétuait ce défaut de retourner à ces lieux liés à ce qui le bouffe, comme l'on appuie pour tester si le mal y est encore. Il n'y a pas de crime ni de victime. Il en demeurait quelque chose de coupable. Avec de mauvais chefs et de mauvais mots. Quand t'es creux, ça résonne et ça résonne. Même sous l'eau les sons se propagent. Tout est différent. Se voudrait. Il se souvint encore de ces pages qu'il avait lu sur l’idolâtrie. Elle se pensait là attachée à une personne, un ouvrage. Des textes. Lui s'était alors effrayé. C'est donc ça. Puis comprit plus tard qu'il n'en était rien. Ce qu'il idolâtrait, c'était le mot en lui-même. Comme l'on pèse consciencieusement le poids de chaque chose, séparément ou dans la perspective de transformer ces éléments en quelque chose de tout nouveau. Il aimait le mot pour ce qu'il était, et ce qu'il devenait aligné auprès d'autres. Le mélange d'essence. Néanmoins, il s'aperçut aussi que cela ne convenait pas. Ne pouvait pas convenir. On ne peut pas transcrire des images, une photographie d'instants. Quelque chose se perd de l'instantané. Qui laisse seulement une tannée. Mais les instants sont passés, et la linéarité de l'écriture ne permettait pas de fixer les polychromes de sa pensée rétinienne. Ce n'était que des miroirs qui s'allongent. Tu délites mon gars ! Mis en abîme, chacun de ces miroirs balançait une part de reflet. Les mots se pèsent, mais gauche il n'est véritablement capable de s'attarder assez précisément, précieusement sur chacun.
La mer se retire et le jour bouffe la grande ourse inlassablement. Tandis que le miroir s'est complété, complètement assemblé, ajusté de quelques coups de poing, il attend une lumière. Alors que lui n'est plus capable de la regarder. Lui sait déjà qu'il ne pourra s'y regarder. Rien de ce qui était lorsqu'il a commencé n'est plus. Les empreintes extérieures auront déjà changé, bien moins qu'à l'intérieur. Doigts plus fins plus longs plus plissés plus pliés. Que ce n'est pas si grave. La déformation. Se tourner vers elle, c'est vouloir se regarder. C'est remâcher. C'est dégueulasse. Encore une chose qu'il ne veut plus partager avec l'autre. L'importance des choses réside aussi dans leur absence. Alors, il est là, mais s'absente, sans importance.


 

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