Nous sommes
des gens de peu. Des gens de peu de voix, de peu de paroles. De peu
d'expansion ou d'éclats dans la voix. Des gens de peu de
conversation, de peu de position. De peu de compliments ou
d'attouchements. Des gens de peu de vivacité, de peu de spontanéité.
De peu d'amitiés.
Les gens de
peu sont souvent entrevus dans l'inattention. On en attache peu
d'importance. Ils ont peu de prise. Cependant c'est ce peu qu'est
l'importance. Ce peu est une conviction. Ce peu est la conviction du
simple.
Depuis des
mois qui ont fait des années, nous avons préparé l'événement
avec la conviction de ce peu. Nous avons patiemment collecté,
accumulé et façonné chacun de ces peu, petit à petit, un peu
chaque jour. Nous y avons mis un peu de monnaie, un peu de sueur, un
peu de nous, de plus en plus ces derniers mois. Nous l'avons fait
dans l'esprit que nous avions de l'événement, tel qu'il devait
être. D'abord tel qu'il devait être à nos yeux, emprunt de nos
poignées de convictions, puis convaincus de nos poignets. Puis pas à
pas tel qu'il pourrait à vos yeux. Du simple clou à la plus petite
boîte, du plus petit des pots au plus grand tasseau, nous avons
placé passionnément chaque élément, nous avons placé nos
passions dans chaque élément.
Nous sommes
des gens de peu et le pensons profondément. C'est ce peu qui nous
tient debout, celui-là qui nous donne faim et le même qui se dresse
derrière chacun de nos choix. Ce peu à l'origine de chaque
naissance matinale, de chaque naissance minérale. A l'origine de
chaque naissance organique.
A l'aube de
vous recevoir, je vous dirai qu'en regardant la table élevée, il y
avait un goût de trop peu. Que finalement ce que nous avions à
offrir ne représenterait – représenter est erroné, il n'y a pas
de jeu, de représentation – ne serait pas suffisant à l'attente
d'un tel événement. Puis vous êtes venus de partout. Vous avez marché dans chacun de nos peu
tracés, avec vous quelques-uns qui en ont esquissé ou dessiné avec
nous, parfois indirectement, sans même en être conscient. Juste en
répondant présent un temps avant. Simplement.
Et nous
avons vu tout le jour et au delà vos yeux magnifiques. Aux côtés
de ceux passés à côtés, nous avons vu chacun des regards qui ont
compris, qui nous ont compris. Qui nous ont pris profondément. Vous
n'avez pas vu nos peu de pleurs à l'intérieur. C'était votre joie
de partager, votre joie de rire et d'être là, entièrement.
Nous nous
connaissons de près, de plus près ou de moins. Vous aurez ce petit
quelque chose, ce petit chose à l'intérieur, ce petit sourire de
vous reconnaître, sans besoin d'énumérer. Dans le peu de
certitudes qui nous habite, celle confortée qu'il y a des gens
formidables. Dans le peu d'estime qui nous habite parfois, la
sensation que ce formidable se reflète en nous, qu'il n'est pas
possible qu'ici rassemblés pour nous, nous ne le soyons nous-mêmes
un peu. Ainsi nous serions nous aussi un peu formidable, au moins un
peu. Ainsi dans le monde notre simple ou notre peu pèse un peu,
prend un peu de corps, de poids.
Aussi ce
soir j'ai deux regrets. Le regret de n'avoir débuté ces lignes par
cet autre discours :« Je
ne connais pas la moitié d'entre vous à moitié autant que je le
voudrais ; et j'aime moins que la moitié d'entre vous à moitié
aussi bien que vous le méritez. ». Et le regret de ne pas
avoir prononcé ce peu de lignes en votre présence.
Il est vrai,
il est inutile de remercier les gens pour ce qu'ils sont.
Mais qu'il bon de s'en réjouir.
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