mercredi 28 mai 2014

Du bord des gouffres




 
Elle est accoudée
à son précipice
la pointe du pied
appuyée à
l'affleurement de son
désir de et ne pas
ce n'est plus vraiment
de l'espoir elle
regarde autour et
dans sa nuit elle
suspend au bord
quelques lanternes
d'ivresses et
d'oublis elle
a l'impression
ainsi de meubler
sa suspension
elle ne voit pas
le pied sur son île
que tôt et tard
n'éclairent son
vide aident à
l'y habiter
c'est qu'à être si
nombreuses
ses lanternes
ont déjà pas
mal comblé
le pied sur son il
elle ne voit pas
préfère s'aveugler
sur le confort
de l'accoudoir
se disant seule
et consolée qu'elle
a la tête à
la surface
il y avait
pourtant bien plus
à sa portée




lundi 26 mai 2014

Le papier-peau des doigts



      Ce matin j'ai ressorti l'imper noir. C'est qu'ici il pisse comme il cogne, sans prévenir. J'en ai vidé la poche intérieure avant de partir bosser, de ces papiers suffisamment importuns pour qu'on les oublie toute une année, sans regarder plus. En rentrant, réordonnant la maison, je retombais sur ces petits papiers pliés que je me détaillait, au cas où. L'un deux, coïncidence, édictait le mois de mai de l'an passé, son lot de baptêmes, quelques sorties et rendez-vous. Suffisamment pour avoir eu besoin de les reporter sur un bourgeon de mémoire externe. Un autre renfermait sur lui-même une ébauche de liste de course. Des légumes dont les épluchures ont déjà nourri d'autres épluchures déjà perdues. Le troisième papier comportait au dos quelques mesures gribouillées à la hâte, et un degré se franchit encore lorsque dépliant je lus le slogan naïf « regard tourné vers le large » de l'étiquette. En fond se dessinaient chanvre et bleu deux nœuds en huit desserrés. Entre ces attaches tomba sur la table un étui de coques vides et fripées de paracétamol. L'angle se fit aigu.


      J'avais toujours des maux de tête, même s'ils étaient moins fréquents. Mais je ne dormais pas mieux, même si j'avais moins de relents. Sans crever, l'année défila à toute vitesse, et délia ce mot qui prit forme ce matin dans les yeux embués du jardin « conception de la vie ». Oui, les mots prennent forment tous seuls, sans qu'on ne leur demande quoi que ce soit. Ils viennent emmerder leur monde jusqu'à ce que je les reporte, déroule le fil pour les lier dans une ou quelques phrases avec leur idée. Souvent je les publie ensuite, et regarde, plus plus ou moins content. Et parfois un ou deux lecteurs le sont aussi, plus ou moins. Ceux-là résonnaient bateau, plutôt bidon de radeau. Ils résultaient certainement de la dérive du continent de la tronche (encore). Comme un rot du subconscient après avoir digéré, mais ingéré beaucoup d'air, de vent, dans les bronchioles et les synapses. Ils venaient cogner aux pare-battages des ritournelles internes des dernières semaines.


      C'était tellement con qu'il n'y avait pas besoin de les traduire, d'en tirer le fil, dérouler le cocon dans lequel il s'enfermait. « conception de la vie », tout tenait dedans. Une définition en soi par son sens littéral. Puis je me suis dit qu'un, ça ne pouvait sortir comme ça, et que deux ça sera encore mal pigé, comme plus du tiers de ce que je partage. D'un autre côté, une fois partagé, c'est départi, ça ne me concerne plus vraiment. Plutôt celui qui se regarde dedans. Et sur cet an j'ai souri en me confortant, à tord ou à raison, dans le fait que je m'y rapprochais. Malgré les insomnies dont je maîtrisais mieux les impacts et les trous dans le jour, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que c'était déjà pas mal, de s'y rapprocher. J'étais lucide quand au fait que finalement je ne concevais rien. Je ne faisais que digérer et recracher.


      J'ai repensé à Ju qui, préparant tête baissée un tournant dans la ligne droite de sa vie, avait évoqué la veille ce que nous avions en commun de nos relents, avec un certain soulagement qui ne délestait pourtant pas l'inquiétude du virage à venir. Ces mêmes dégueulis d'histoires banales qui ne le sont pas quand ils vous concernent, et qui nous avaient fait nous rencontrer. J'ai repensé dans le même laps de temps où elle parlait à Max qu'elle allait bientôt épouser, avec qui nous avions tenus les mêmes propos quelques jours plutôt. Cynique l'idée qu'ils voulaient tous deux se rassurer m'amusa, mais fut vite chassée par la certitude de leur certitude. Et celle-là je ne peux pas m'empêcher de la trouver belle, même s'il me restait des difficultés à y adhérer complètement. Le couple, oui, le mariage, c'était autre chose. Je songeais au mien, qu'il allait bientôt falloir orchestrer. Pour la forme, parce qu'au fond. J'y voyais une certaine vacuité, dans le sens où nous avions plus que souvent le double de vie commune que la plupart de nos connaissances du même âge, et que ce mot terrible me renvoyait irrémédiablement au premier modèle observé. Un modèle à la fois débile et indélébile dans sa tâche.


      Pensant ainsi aux rencontres j'en passais de manière très rapide aux autres personnages de ces dernières années. A ceux qui m'avaient mis le pied à l'étrier de l'écriture. Aux autres qui avaient claqués la croupe de canasson qui s'essoufflait à présent. À Catherine qui attendait une réponse qui ne venait pas, pour la publication d'un texte de son cru dans le pli de mes mains qui plissaient à reculons. Non pas que le texte ne me plût pas, mais comment se motiver quand on l'est pas pour son propre travail. J'y arriverais, car il faudra bien que je recrache. J'en vins à penser à ceux que l'écriture me fit croiser, souvent ce même genre de personnes qui m'avait mis un pied à l'étrier tout court, parfois sans le savoir, un pied au cul sur mon propre trou de balle à la con qui se prenait trop souvent pour un nombril. On a tous son héritage de lacunes... Je me suis dit une fois de plus que Vincent avait raison, et constatais ma marge de progression dans ce sens. Un sens qui tend les bras, pas un de ceux qui infléchissent ou pointent une direction. Ça pique moins la main, ça arrache moins la gueule, quand on tâtonne. L'angle se referme, et pourtant il n'est pas plat.


      On m'avait interrogé sur ce que je voulais faire, quelques jours auparavant. C'est que c'en était une, de ces périodes où l'on croise, à dessein, pour mieux s'intégrer, pour mieux s'interroger, aussi. J'avais déjà craché à la gueule du monde, de la politique, de la rurbanisation. J'avais trouvé ma propre réponse à l'engagement. C'était la même réponse qu'il y avait finalement à faire à la question de ce que j'étais, lorsque j'étais planté aux côtés d'écrivains, de poètes. Non, je ne suis pas poète. J'écris. C'est déjà bien assez. J'ÉCRIS, c'est déjà suffisant. Il n'y a pas d'étiquette supplémentaire à agrafer sur ma couenne de mammifère. Et quoi alors, ce qu'on voudra que ce soit... qui n'est à peine le propos. Ces derniers mois n'ont été que cela, toujours plus nettement, écrire une vie digérée, c'est-à-dire recrachée. Imbibée de l'urgence de la patience. Une menuiserie de mots transpirant leur cadre. Une restauration de l'ancien qui permette la circulation, la respiration. Tous les travaux engagés n'étaient en fin de compte qu'une restauration, une succession de décroissances luttant contre l'impératif de la consommation, du déplacement de l'homme en simple produit. L'on s'échauffe à n'être plus que des consommables qui se consument.


      Le seul « neuf » qui a passé la porte récemment sont ces livres, souvent signés, d'idées, de vie, de conception qui se refont, qui luttent à leur façon. Le tissu humain est comme ces carnets de papier, il comporte sur sa page blanche les ratures des pages précédentes. Le crayon bute parfois sur les sillons. Et contrairement à ces carnets qui s'entassent dans les angles des étagères, on signe sur des pages perpétuelles. On fait renaître, on renaît, on conçoit de la vie. En vrai ou en tête on s'équilibre sur du papier, on équilibre du papier se mettre debout une fragilité qui ne tient pas de place n'a pas de place à tenir, juste tenir. A naître. Comme le mur le meuble décapés grattés rabotés jointés polis patinés, matières mâchées et remâchées. Pas pour faire beau, pas pour orner, habiller rencogner s'en cogner faire style, il y a à dénuder les fils, désosser des crans pour y mettre les doigts savoir pourquoi les doigts savoir mettre à plat. Une matière réelle qui ne sonne pas creux, ne se décomposera pas à la première drache.


     A reconstruire, apporter comme peut si peu une certaine épaisseur au papier, en essayant à se dépiauter les doigts de ne pas y aller jusqu'à l'os. Il y a d'autres petits papiers dans la poche de l'imper, une autre liste d'autres courses, d'autres mesures d'autres bois, plus de paracétamol, la trace absente de quelques lignes à venir, et des nœuds qu'on ne sent qu'en roulant les doigts.



     

lundi 19 mai 2014

De la voute



 
- deux trous dans la toile de la tonnelle
dans l'un se tisse une étoile
dans l’aine s'étire trop d'espace -



 

mardi 13 mai 2014

De la cueillette : De l'esquive



 
- ne jamais accuser un coup
il serait capable de demander
des dommages et intérêts... -



 

lundi 12 mai 2014

De l'humidité



 
Ils sont comme des vagues ils vont et viennent ne savent pas mais savent quand même remplissent tous les interstices croient en leur justice sont justifiables mais jamais ne jugent ils jaugent seulement
comme les vagues ils montent se gonflent pour s'étaler s'étalent et s'écoulent s'écrouent dans un mouvement incessant et bruissent murmurent ronronnent se gaussent et tentent la tempête pour se gonfler encore et faire gros dos
pensent ainsi faire plus de bruit et fracas (avant de s'aplatir) pensent s'élever retombent plus durement usent ce sur quoi ils passent ceux sur qui ils passent se créent un peu plus d'espace des artifices dans la superficie
les particules d'autour de ce sur quoi et qui ils passent érodées dans leur robe troublent leur couleur couleur unique unifiée autour d'eux autour d'eau dans le rouleau qu'ils créent s'assemblant se semblent et se miroir des uns
les vagues ils viennent vertigineux verticaux vers l'élévation veulent s'élever lève les uns les autres se valorisent et valent vindictent de valoir en se léchant vice versa les pieds et n'avalent que ce que d'autres crachent dans la laisse
ils ne défont que le sable des châteaux aplanissent les angles qu'ils ne possèdent pas et le courant passe sous le nez anguleux la courbe est ce sillage le son est ce rocher la divergence du mouvement est ce vent cet obstacle dans lequel ils se fondent
ce moule qu'ils s'empressent de quitter car dévient leur course leur vue du phare le sillon le récif ne disent rien ils accrochent et laissent l'eau se submerger n'être ni le creux ni le plein n'être que la forme du silence autour
les êtres vagues ne font que fuir se fuir en s'accompagnant et éprouvant épousant leur chute dans les formes qu'ils ne veulent pas voir mais remplissent et glosent à plus soif dans une fausse bogue d'humilité avec eux l'humidité

ce qui pourrit


 

samedi 10 mai 2014

La marche, thème







les huées dans les yeux
la sueur dans le dos les entrailles
qui coulent d'entre les cuisses
jusqu'aux chevilles collent
aux jambes le pantalon
les huées dans la bouche des regards


marche une marche en trois temps
pom pom pom pom pom pom
gauche canne droit gauche canne droit
poser le pied se maintenir
tasser le sédiment dessous
soulever poussière autour


le ciel traîne
le ciel de traîne sa gueule
contre la sienne
une gueule d'orage éclaircit
la sienne
d'une affection humide
lape la couenne et les pas
le vent jaloux jappe


il marche depuis
le soleil a un nom
il marche mille pattes
dans les ans
il marche des yeux
sur le silence sonore
illusion de l'autre
posé en ligne
papillons qui s'envolent
dans la tête
lorsqu'on les regarde
un brouillard
il marche avec les mains
sur des fils de bois
le long des doigts
les copeaux frisent
et se recroquevillent
sur lui-même
digitale empruntée
qui est-on


il marche depuis
le soleil a un nom
pour lui un son
dans la bouche
et la vérité du mensonge
dans celle du monde
il marche du corps
retrouver la ligne et la fuite
un corps de monde
dans le monde un autre
jamais assez loin
des autres de soi


tantôt frôler le fil approfondi
brutaliser la parure
tantôt écarter l'écaille
comme ôter des lambeaux
qu'on observe à la lumière
ce qui reste


la marche émince le monde
passe le jour à l'économe le pas
coupe décape ajoure l'oignon monde
le sel coule sur les joues
du dos les heures suent


l'ombre effile et le pied entre
dans le sol-fil entre du jour craquelé
un pas un seing dans poussière
ou boue tantôt consumé
dès le membre se soulève
déjà l'encre du pas évanoui
tandis l'ombre effilée
une ombre au sourcil
sur le tableau de l'attardé
dehors et dans le décor
le mensonge un autre
d'un œil qui s'en retourne
s'accrocher au cadran s'en détourne
dedans
dans son monde barré son
monde loti blotti de ciment


la marche émince le monde
au long des saules têtards
l'écorce accessoire effondrée
à même la mare
crevure d'une cellule inutile
tantôt portée au ru nourrir
vase noire ou boite noire


l'épaule l'empreinte le mot et l'ombre
fondu dans le sol-fil
la marche épand le souffre
l'être gratte à la main la lumière
la canne le clope la cale
ce qui reste
sèche la viande
le plus épais
l'opacité


il marche sur un fil
tension entre deux pylônes
avec un caténaire pour cathéter.
il pose le pied comme on pose
la main sur un barbelé
alimenté au courant alternatif
ça picote sous son cuir de bœuf
stimule l'impression
dépasse successivement des seuils
d'intolérance aux pas de portes
d'indifférentes tolérances


de loin là-bas au bord
il voit le débordement du vide
à l'épicentre son nombril
prêt à tout emporter
rentrer en dedans
loin des huées ce qui crie
à l'autre côté du fil
les reniements remanient
les talus des chemin de soi
il tend les mains dessus les deux
qui effleurent en continu-huant


marcher c'est toucher à
se toucher sans pour autant
faire bien se faire du bien
parce que la vie est ainsi faite
la vie ainsi parfaite
la vie ainsi parterre
de fleurs entre les lèvres
entre couteaux et dents
sourires chiendent ou chienlit
la caravane poursuit


il marche sur les chemins bleus
évitant de troubler
les pièces de ciel
éparses
ils n'ont plus rien
de cavaliers
pluie au pas
lune pleine
et terre saoule
les chairs flottent


au bout des laisses la marche
comme un parcours sans arrivée
ni trace
des pas points de sable
ceux qui restent
dans la chaussure
qui ne se chassent pas
malgré toutes les battues
malgré la marche


musique : Pom Pom Pom,
Les Ogres de Barback et la Fanfare du Belgistan
2005




vendredi 9 mai 2014

De ce qui bouffe



 
depuis que je me suis départi
que je me dépars que j'essaie
les épars le départ et sépare
que j'essaie me dépars
démons et dames blanches
dépressions et des pressions
essor des cyclones et drogue
graine en tête et migraine entêtée
depuis que je me dépars
sûr qu'il n'y a pas juste deux pas
d'ennuis juste que je dois
sûrement être,
et être sûrement
bien plus ennuyeux
elles elles s'en foutent
de ce qui bouffe
les poules savent de quel côté
il faut se placer



 

mardi 6 mai 2014

De l'ordinaire




- Ordinaire -

plat de résistance
résistance du plat

selon ce que dent
se met ou dure



 

lundi 5 mai 2014

Du bout du quai




la tonnelle retend sa voile
toute dehors
tandis que le quai déroule
ses deux mois
et autant de lattes
de jours à prendre
à chaque face de pas

ça sent le large
dans les grandes longueurs



vendredi 2 mai 2014

La marche thème 3.2



 
Marcher c'est toucher à
se toucher sans pour autant
faire bien se faire du bien
Parce que la vie est ainsi faite
la vie ainsi parfaite
la vie ainsi parterre
de fleurs entre les lèvres
entre couteaux et dents
sourires chiendent ou chienlit
la caravane poursuit