jeudi 5 décembre 2013

Le cas Leleu # 4






           Les soins apportés se résumaient à des repas réguliers, nous attendions d'établir un diagnostique fiable avant de prescrire tout traitement. Je notais cependant que le sujet absorbait la nourriture, mais sa condition physique s’obstinait à décliner, jusqu'à devenir préoccupante. Je notais aussi que ses déplacements, la mesure de ses gestes, se raréfiaient. Se mouvoir suscitait un grimacement. Curieusement, plus les séances se multipliaient, plus nos conversations s'emmêlaient. Le sujet se renfermait visiblement sur lui-même : discours, postures, cela semblait presque se faire malgré lui. Cette incapacité à me transmettre ses sensations physiques et psychiques, de toute évidence, le frustrait. Mais bientôt je dus écourter, puis me contenter de l'observer à travers les barreaux de sa cellule, sa condition physique et mentale ne le permettant plus.


 
      Internement physique, où la conscience de la chose ne provient plus d'abord de la vision de l’œil, mais d'abord du corps. La sensation comme une annonciation non pas de la venue, mais de la vue. L'os donne à sentir puis à voir.
      Internement physique, où la chose devient consciencieuse et lente déflagration, intégrée dans la chair. La chair comme exposition de la programmation anarchique de l'os qui se modèle à l'envie. L'os donne à voir sans être vu.
Ne m'émeut plus
ne me meut plus



 

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