lundi 2 décembre 2013

Le cas Leleu # 1



 
          C'est un cas bien étrange que celui d'Alembert Leleu. L’Institut a été alerté par l’Hôtel-Dieu, qui m'a aussitôt mandaté. Nous avons le jour même transféré le sujet en nos locaux, cintré d'une camisole. Non pas qu'il fût dangereux pour autrui, c'était surtout pour sa propre sécurité. A vrai dire, nous n'avons pu observer le sujet que quelques jours, son état étant plus avancé que les symptômes ne le laissaient paraître.
           L'Hôtel-Dieu nous a transmis son dossier médical, qui commença à son admission, et ses effets personnels, quelques loques maigres, une paire de binocles aux verres teintés, un gousset arrêté, une blague à demi pleine, une pipe en porcelaine, de facture visiblement flamande, une canne au pommeau sculpté et sobre et un carnet, qui permit son identification. De traces d'un quelconque passé, d'une adresse, nulle part. Son dossier narre des réactions continues de prostrations et d'asthénie, précédées de crises pendant lesquelles, d'après les descriptions du personnel soignant, le sujet se maintenait la tête, subissant des sortes de convulsions partant du crâne qui secouaient épisodiquement l'ensemble du corps. Ses propos, lorsqu'il y en avait, étaient incohérents. Le sujet était grand, maigre, d'une pilosité légèrement excessive. Sa dentition soignée nous indique qu'il n'appartenait pas à la classe pauvre. Mais rien d'altier dans la tenue qui ne laissait présupposer quelque aisance récente. A vrai dire, il n'y avait a-priori là rien de particulièrement spectaculaire. Nous avons en nos locaux bien des sujets beaucoup plus expressifs que lui. Mais j'y viens.

Je suis Alembert Leleu. Enfin je crois, encore.





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