jeudi 4 avril 2013

Des espèces d'ours



       
     Je me souviens de l'une des premières apparitions, d'un des premiers lieux qui me fit la grâce de laisser s'échouer quelques mots de marées. C'était il y a longtemps. C'était il y a peine l'an. Ours, l'ours dans sa caverne. La petite présentation. Je m'en souviendrai longtemps. Un peu une double joie au goût de double peine. Celle de pouvoir avoir fenêtre quelque part, en un lieu littéraire que j'estime. Celle d'avoir été aussi facilement cerné. J'avais, quelques temps, il y a quelques temps fréquemment martelé l'image d'un autre animal, éculée, par trop éculée, tant qu'elle n'est plus que commune, voilà, un lieu commun, banal, celui du loup. Quoique, pas si banal, quand je pense au psy qui assénait sans cesse qu'il s'agissait d'un animal social à l'extrême. Malgré le temps passé, il est passé à côté, et moi aussi. Il faut parfois rester savoir rester dans sa branche, voire, descendre de l'Arbre, son Arbre, pour faire du bon travail. C'est que, je ne savais pas encore qu'il fallait se présenter. Montrer patte blanche, ou sale aussi, ça fait bien, c'est selon, selon la porte que l'on cogne pour entrer. A présent je n'oublie plus, ou presque, en tout cas, je me corrige.
      Oui, je me souviens de l'ours dans sa caverne. Et j'ai vu cet hiver pas mal d'agitation. A mon échelle, je veux dire. C'est que, je n'en ai pas l'habitude, de l'agitation. Je suis sorti de ma caverne. J'ai tissé. Des liens, des contacts, des réseaux, des toiles au plafond. J'ai écrit, relativement beaucoup, du moins, à mon échelle, d'un peu de tout, de pas grand chose, de petites poésies, de petites proses, de petites lettres ouvertes à clef, de petits comptes-rendus, de petits rendus, de petits vomis et à vomir. Et que dire ? Certains me plaisent, certains correspondent à ce que je portais lorsque j'accouchais des mots des marées. Certains plaisent,  et d'autres ont plu. Et d'autres non. Certains plurent à des revues, d'autres non, et certains même n'ont jamais été revus. Ainsi certaines revues répondirent, au plaisir, et non, ou même pas. Et voilà. Voilà bien du temps passé hors de la caverne en plein hiver. Trop peut-être. Puis on s'écarte du chemin, j'avais même perdu l'entrée de vue. Jusqu'à ce que plusieurs rafales m'y ramènent. Des froides, et des chaudes aussi. Et l'hiver s'accroche, mais l'hiver s'achève.
      Les beaux jours reviennent. Et le besoin de sortir. De sortir dans sa caverne. J'entends le bois qui se réveille, j'entends le bois qui appelle la main. Le chien qui trépigne de lumière, le jardin qui veut sa toilette. Je vois la main qui lâche le crayon, et s'incline vers le rabot, les cales et les ciseaux. Et un autre papier. J'ai vu déjà les fibres s'épouser, s'épouser aux lignes dans la paume. De mes oreilles d'ursidé, j'entends le bois. Et les mots qui me dictent d'autres travaux. Des travaux qui passent par d'autres impulsions électriques. Celles du corps. Celles d'autres contraintes. Un vaste sujet, la contrainte. Et dans les codes acceptables, l'ours a un quota restreint, une marge de tolérance limitée. C'est que, ils sont venus sur le tard, les codes sociaux. L'évidence n'est jamais la même selon l'individu. Dans les fils, à trop, on s'emmêle, on s’empêtre, on s'enferme. On s'empiètre aussi. Et on est entier quand même, mais plein autrement que d'autres.
      Pour ceux qui avancent sur ces traces depuis quelques pas, la longueur, pour la tenir, faut ménager le souffle. Ralentir, en somme. Mais maintenir, tenir la longueur, sûr. Je veux savoir pourquoi, non pas le pourquoi, mais garder en tête et à main ce que je fais, ce que j'écris. Ne pas l'étouffer, pour m'étouffer avec. Je comprends le partage, le considère nécessaire. S'il est partagé. Pas uniquement une passerelle. Parce que ce n'est plus alors vraiment du partage, mais un moyen de. Pas uniquement une planche, jetée à la mer une fois le pied sur le pont. Prendre le large, c'est aussi chercher des yeux le rivage, un autre. Et je ne suis rien d'autre que moi. Je suis un mot de marée, je suis moi, et ce que je fais. Je suis ma propre mer et son propre rivage, sa propre plage. Avec les plats, et la colère de son temps, aussi. En quelque sorte.
     Les beaux jours arrivent, et je sens que je rentre dans la caverne. Dans le clos qu'il faut, me faut. Je rentre dans la caverne, et je n'y peux rien. Et c'est bien. Et c'est comme cela. Pas contre, sinon, contre, et pour moi. Et c'est bien. Il en a toujours été. Il faudra chercher. Chasser un peu. Parce que de toute façon, je serai là. Il n'y a qu'à. Et c'est bien.
      Demain, je pourrai. Demain, j'irai chercher le bois.
    

6 commentaires:

  1. Très sympa celui-ci :) de très beaux passages...

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  2. C'est dedans et dehors que ça se construit
    C'est en dedans que ça se travaille
    Les ours mal léchés en savent quelque chose du pot de miel toujours renversé
    de l'arbre difficile à grimper.
    Pas la peine de forcer la nature
    même si l'hibernation se trouve en été
    elle doit se faire
    à travailler.
    (important : savoir qu'il y a grotte disponible où se cacher)

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    1. garde-manger rationné
      arbres arrachés
      d'autres à planter
      plantigrade ordinaire
      ou ordinaire de plantigrade
      il y a toujours
      un trou à creuser
      des choses à enfouir
      et des trucs à déterrer

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  3. Le noir et blanc c'est ça. C'est votre truc crasseux.

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  4. Fonctions vitales en ralentissement, il va falloir me développer l'idée pour que je puisse l'assimiler, parce que pour l'instant, je ne sais trop comment le prendre.

    Au plaisir anonyme

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